Pierre Karl Péladeau a seulement gagné le tiers de la rémunération controversée de Michael Sabia chez BCE en 2008. Et pourtant, Quebecor cherche à dégonfler les émoluments de 7 millions de dollars de son président et chef de la direction, sur fond de conflit de travail au Journal de Montréal.

Dans un geste inusité, Quebecor a publié un communiqué lundi soir pour justifier la rémunération de Pierre Karl Péladeau. Dans cette précision qualifiée «d'importante», la vice-présidente aux affaires publiques, Isabelle Dessureault, explique que Pierre Karl Péladeau n'a reçu qu'une somme de 1,2 million de dollars en espèces. Salaire qui, au demeurant, était de 200 000$ inférieur à celui empoché en 2007.

 

Soit, sauf que c'est loin d'être tout. Les entreprises doivent révéler la valeur totale de ce qu'elles consentent à leurs cinq dirigeants les mieux rémunérés. Cela ne comprend pas uniquement le salaire, mais aussi les primes incitatives de toutes sortes, les versements à la caisse de retraite de même que les autres avantages sociaux. C'est ce qu'on entend par rémunération globale.

Depuis quand isole-t-on le salaire? Depuis quand insinue-t-on que la rémunération se résume à cette seule composante «réelle en argent», pour reprendre le vocable de Quebecor?

Il est vrai que les options peuvent venir à échéance sans s'apprécier d'un seul cent. C'est ce qui arrive actuellement aux options de nombreux dirigeants d'entreprise en raison de l'effondrement des marchés boursiers, surtout celles qui sont sur le point de venir à échéance. Mais est-ce à dire que les options émises aujourd'hui, dans un marché dégonflé, ne vaudront rien à l'avenir. Alors là, c'est une tout autre histoire.

Pierre Karl Péladeau a reçu un premier lot de 137 460 options en mars 2008. Ces options ont un prix de levée de 25,98$. Ainsi, si l'action de catégorie B de Quebecor s'échange à 30$, chaque option aura une valeur de 4,02$. En revanche, si l'action se négocie à 18,45$, comme c'est le cas en ce moment, ces mêmes options ne vaudront rien.

Or, ces options, tenez-vous bien, ont une durée de vie de 10 ans. Reconnaissons que le titre de Quebecor a de très bonnes chances de se catapulter en avant d'ici le 25 mars 2018!

Déjà, neuf des 12 analystes sondés par l'agence financière Bloomberg recommandent l'achat du titre de Quebecor. Leur cours cible moyen est de 25,24$ dans un horizon de seulement 12 mois.

Le même raisonnement tient pour le deuxième lot d'options. Pierre Karl Péladeau a reçu en septembre dernier 345 605 options assorties d'un prix d'exercice de 27,11$. Or, ces options ne viendront pas à échéance avant le 9 septembre 2018!

C'est pourquoi les comptables estiment, à l'aide de la méthode Black-Scholes, une formule mathématique reconnue dont l'usage est répandu en affaires, que ces deux lots d'options valent 5,8 millions de dollars. À la fin, peut-être qu'elles vaudront moins ou peut-être qu'elles vaudront plus. À moins de connaître l'avenir, impossible de le savoir avec précision.

Toutefois, prétendre que des options d'une durée de 10 ans comportent un «risque significatif, dont la valeur ne saurait être considérée comme une certitude» est franchement exagéré dans les circonstances. En fait, on serait plutôt tenté de dire que Pierre Karl Péladeau court le risque d'empocher un maximum de fric, la prochaine bulle boursière venue. C'est ce qu'on appelle des millions gonflables.

Affirmer le contraire et laisser entendre que c'est de l'air, comme le fait le communiqué de presse de Quebecor, tient de la malhonnêteté intellectuelle.

Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca