Tout est politique, semble-t-il. Et le tragique accident de ski dont a été victime l'actrice Natasha Richardson, il y a 12 jours, déclenche un débat sur les mérites respectifs des systèmes de santé canadien et américain. De l'autre côté de la frontière, certains soutiennent ainsi que l'absence d'accès rapide à la médecine de pointe ainsi que la non-disponibilité d'un hélicoptère médical expliquent en partie la mort de la skieuse.

«Canadacare pourrait avoir tué Natasha», écrit Cory Franklin (dans le New York Post)... Canadacare étant lourd de sous-entendus. Ce médecin de Chicago est notamment connu pour défendre des positions conservatrices dans un blogue de débats politiques, Left, Right and Centered.

 

«Le Dr Franklin y va de charges extrêmement agressives envers notre système de santé, comme si le fait qu'il soit public et universel avait un rapport dans cette histoire», réplique (à Violaine Ballivy dans La Presse) Alain Vadeboncoeur, porte-parole des Médecins québécois pour le régime public.

Droite-gauche, privé-public, c'est reparti.

/////////////

Or, cet accident est impropre à générer des conclusions politiques, ni dans un sens ni dans l'autre.

Ainsi, il est hasardeux d'analyser le facteur temps, comme le fait le Dr Franklin pour trouver des carences structurelles dans notre système de santé. Il s'est en effet écoulé près de deux heures et demie entre le moment de l'accident et celui où la skieuse, qui a d'abord refusé d'être examinée, est finalement montée à bord d'une ambulance. À lui seul, ce délai a peut-être été mortel, autant ou davantage que le temps écoulé ensuite à l'hôpital local (où il y avait un scanner) puis dans le transport vers Montréal.

Un hélico lui aurait-il sauvé la vie?

Peut-être, à supposer qu'un tel appareil soit prêt en tout temps à décoller de Mont-Tremblant... ainsi que de tout autre point du Québec où le danger guette. On voit le problème - et le coût! Actuellement, pas même la moitié des provinces canadiennes dispose d'un hélicoptère médical; le Québec compte sur deux avions-ambulances et étudie un éventuel service d'hélico.

Mais serait-ce l'investissement le plus ingénieux en matière de santé au Québec?

En fait, une question plus immédiate apparaît: celle d'imposer ou non le casque protecteur, que Natasha Richardson, une adulte, avait choisi de ne pas porter. Aux États-Unis, ce débat avait déjà été soulevé en 1998 par la mort presque simultanée, dans des accidents de ski, de Sonny Bono et Michael Kennedy (que le système de santé américain n'a pas sauvés non plus...).

Jusqu'où doit-on aller pour protéger les gens contre eux-mêmes? Et jusqu'où ira-t-on si l'objectif visé est celui d'instaurer un éden molletonné où il n'y aurait plus jamais d'accidents? L'affaire devient alors hautement politique, en effet: quel nouvel équilibre établir entre liberté et sécurité dans une société devenue à tous points de vue allergique au moindre risque?

Cette fois, l'affaire relève davantage du philosophe que du médecin.