Honda, Nissan, Toyota... les grands de l'automobile japonaise songent à demander une aide financière à l'État. C'est dire à quel point la récession mondiale fait mal au Japon. Et elle expose les faiblesses des économies asiatiques qui dépendent trop de l'exportation.

Qui l'aurait cru il y a un an à peine? Les géants japonais de l'automobile Honda, Nissan et Mazda ont indiqué, la semaine dernière, qu'ils envisagent eux aussi de demander des prêts au gouvernement pour surmonter la crise économique.

 

Ils se joignent ainsi à Toyota, qui a ouvert cette porte quelques jours auparavant. Pour la première fois de son histoire, le constructeur de Nagoya est dans le rouge et enregistre des pertes. Et pour la première fois, Toyota - qui s'est hissé au premier rang mondial de son secteur - a récemment annoncé des réductions d'effectifs: 25 000 postes dans le monde.

Tous sont touchés: Sony, Fujitsu, NEC, Panasonic... Le Japon traverse sa pire récession en 35 ans.

Les chiffres sont catastrophiques. L'économie japonaise a plongé de 12,7% à la fin 2008. Il faut remonter au premier choc pétrolier de 1974 pour trouver pire.

La dépendance aux exportations

Pourtant, l'Archipel semblait mieux armé pour se défendre contre la crise économique grâce à ses banques, riches en liquidités, qui n'étaient pas impliquées dans le fiasco américain des subprimes.

Or, s'il a échappé à la débâcle financière, le pays du Soleil levant a été rattrapé par la dégradation de la conjoncture mondiale. Il a surtout été touché dans son point faible: les exportations.

Celles-ci représentent près d'un cinquième de l'économie japonaise mais, ces dernières années, les ventes à l'étranger ont contribué à plus de la moitié de la croissance. Or, en janvier, les exportations - l'oxygène de la seconde économie mondiale - se sont effondrées de 46% avec la baisse de la demande mondiale.

Dans une étude, Ryutaro Kono, économiste en chef de BNP Paribas à Tokyo, écrit ceci: «Les industries exportatrices japonaises ont été les plus importantes bénéficiaires de la bonne conjoncture mondiale, soutenue par la consommation américaine. Maintenant que la crise a gagné toute la planète, ce sont elles qui souffrent le plus.»

Vieillissement

Mais ce qui inquiète le plus, c'est que les Japonais auront beaucoup de mal à relancer par eux-mêmes leur grosse machine industrielle. Pour une raison bien simple: ils sont de moins en moins nombreux.

Le vieillissement rapide de la population sape le marché domestique. En 1997, les 20-29 ans regroupaient 19 millions de personnes; en 2007, ils ne sont plus que 16 millions. Qui plus est, les Japonais boudent l'immigration et leur taux de fertilité est l'un des plus bas au monde, à 1,2 enfant par famille. Il leur faudrait tripler ce taux pour stabiliser la démographie, selon de récentes études.

Et les problèmes ne s'arrêtent pas là. Le revenu disponible des Japonais n'augmente pas depuis au moins cinq ans. Les salaires sont au neutre. Avec des porte-monnaie plats, les ménages se retiennent évidemment de consommer.

Si bien que les ventes de détail ont chuté, en janvier, pour le cinquième mois d'affilée, plombées par la baisse des ventes d'automobiles, de carburant et de vêtements, selon le ministère de l'Économie. La consommation des ménages a chuté de 6% en un an - le 11e mois de baisse d'affilée.

Avec une économie au tatami, le premier ministre japonais, Taro Aso, a averti la semaine dernière que son pays mettrait trois ans à se relever. Il a promis de créer de nouveaux emplois, grâce à des mesures budgétaires draconiennes.

Toutefois, avec son modèle économique basé largement sur le commerce extérieur, le Japon ne pourra s'en sortir seul. Il devra attendre le redémarrage de ses principaux partenaires commerciaux.

C'est pourquoi les Bourses japonaises ont fait un rare bond en avant, jeudi dernier, lorsque la Chine a déclaré que avec son plan de relance économique actuel, le pays devrait atteindre sa cible de croissance d'au moins 8% cette année. Le Dragon chinois n'est donc pas mort, même s'il a perdu beaucoup de son mordant.

Car c'est la Chine, et non les États-Unis, qui représente à court terme la meilleure bouée de sauvetage de l'archipel japonais, qui, en retour, soutiendra le commerce chinois.

L'histoire peut parfois prendre des tournants imprévus et ironiques. Car la crise économique pourrait transformer ces vieux ennemis d'Extrême-Orient en alliés économiques.