Début février 1990. Je vérifie mes relevés de cartes de crédit. Des cartes courantes. Que vois-je? Le taux d'intérêt de ma carte VISA s'élève à 20% et celui de ma carte MasterCard à 20,25%. C'est une fois et demie le taux d'escompte de la Banque du Canada, lequel approche les 13%.

Début février 2009, soit 18 années plus tard, plus précisément 6574 jours, je vérifie mes taux de cartes de crédit. Que vois-je? Presque les mêmes taux, à un demi-point près. Le taux d'intérêt de ma carte VISA indique 19,5% et celui de ma carte MasterCard est également à 19,5%. C'est 19,5 fois plus que l'actuel taux directeur de la Banque du Canada, lequel est tombé à 1%.

 

En février 1990, on pouvait toujours se consoler en pensant à son REER. Les banques nous offraient à l'époque des certificats de placement garantis (CPG) d'un an à 8%.

Aujourd'hui, impossible de se consoler. En cette première semaine de février 2009, les mêmes banques n'offrent plus que 1% et des poussières sur leurs CPG d'un an.

En février 1990, l'écart entre le taux d'intérêt des cartes de crédit et le taux directeur de la Banque du Canada s'élevait à 7 points de pourcentage. Aujourd'hui, l'écart entre les deux taux est de 18,5 points de pourcentage.

Pourtant, la situation financière des banques canadiennes ne s'est absolument pas détériorée par rapport à février 1990. À cette époque-là, on se préparait également à entrer en récession. De 2002 à 2008, les six grandes banques canadiennes ont engrangé à elles seules des profits nets de 94 milliards de dollars. Ce qui leur procure un solide coussin financier pour parer les contrecoups de l'actuelle crise financière.

Qui plus est, aujourd'hui, les grandes banques canadiennes peuvent même compter sur l'aide gouvernementale pour augmenter leurs liquidités et traverser la tourmente financière qui frappe depuis l'été dernier. Le gouvernement Harper vient d'injecter 125 milliards de dollars dans les banques canadiennes en leur rachetant des blocs de prêts hypothécaires. S'ajoutent à cela 75 autres milliards d'aide financière gouvernementale pour notamment garantir des prêts bancaires aux entreprises.

Malheureusement, cette aide gouvernementale colossale a été accordée sans que le gouvernement Harper exige des banquiers un minimum de compassion envers les particuliers étouffés par leurs soldes de cartes de crédit ordinaires à 19,5% d'intérêt.

En retour de sa générosité envers les banques canadiennes, le gouvernement Harper aurait pu exiger de leur part une réduction sensible du démesuré taux d'intérêt exigé sur les cartes de crédit courantes.

Pour aider le Canada à se sortir de la récession, le gouvernement fédéral a annoncé une panoplie de mesures financières pour inciter les consommateurs canadiens à dépenser davantage. Mais dans son généreux budget, le gouvernement Harper a omis de mettre en place des mesures urgentes susceptibles d'aider les familles lourdement endettées.

Il aide les banquiers à se sortir de la récession mais pas les gens que les mêmes banquiers étouffent avec leurs prêts à taux élevés et leurs cartes de crédit à taux démesuré.

Pour vous démontrer à quel point, les banquiers sont égoïstes, il suffit de les regarder aller depuis janvier 2007. L'économie tourne rondement. Les banques font des profits en or. Le taux d'escompte de la Banque du Canada se situe à 4,5%. Les taux d'intérêt sur les cartes de crédit courantes varient de 18,4% à 19,5%. À l'été 2007, le taux d'escompte de la Banque du Canada grimpe même à 4,75%.

Puis, les premiers ratés liés au papier commercial et à la crise des subprimes américains commencent à se faire sentir. C'est à partir de décembre 2007 que la Banque du Canada entame la réduction de son taux directeur, simple question d'amortir le choc de la crise financière qui commence à frapper les États-Unis et à s'étendre ailleurs dans le monde. Rendu à l'été 2008, le taux d'escompte s'établit à 3,25%. Du côté des cartes de crédit courantes émises par les banques canadiennes, c'est le statu quo!

On connaît la suite. La crise financière prend de l'ampleur. Les banques centrales multiplient les interventions, ajoutent et rajoutent des liquidités dans le système bancaire. Au Canada, le taux directeur tombe littéralement. Le 20 janvier dernier, il affiche 1%, un record historique à la baisse.

Pendant cette période de baisse de taux directeur de la Banque du Canada, qu'ont fait les banquiers avec les cartes de crédit courantes? Ils n'ont pas réduit d'un iota leurs taux!

Une étude de la firme Deloitte nous apprenait cette semaine que les paiements en souffrance sur cartes de crédit étaient en forte hausse au pays, entraînant conséquemment des radiations d'actifs et créant des tensions «sans précédent» chez les institutions émettrices de cartes.

Et vlan!