La victoire de Barack Obama a déclenché un vent d'enthousiasme et d'espoir, une euphorie même, qui était palpable dans toutes les célébrations qui ont entouré son investiture.

Les analystes qui ont voulu résister à cet élan collectif et garder un recul analytique ont rappelé le poids énorme qui pèse sur les épaules du nouveau président, souligné que les attentes soulevées par sa victoire sont telles qu'elles mèneront inévitablement à la déception. Je ne partage pas ce pessimisme. Il y a une autre façon de voir les choses.Il est vrai que les attentes sont démesurées. L'euphorie tient évidemment au caractère historique de l'accession à la présidence d'un afro-américain. Elle est renforcée par le contraste saisissant avec la médiocrité de l'administration sortante et par les talents évidents du nouveau président. Mais elle s'explique aussi par le fait que la gravité de la crise que vivent les Américains les pousse à chercher un sauveur. Il y a certainement là un élément de pensée magique.

Barack Obama est porteur de rêve et d'espoir. Mais l'espoir n'est pas nécessairement un feu de paille. Le rêve, ce n'est pas du vent. Il y a une puissante énergie dans le rêve d'un peuple, une force créatrice qui peut mener loin si on réussit à la canaliser.

La force des rêves ne permet évidemment pas de tout régler. Elle ne sera pas d'un grand secours au Moyen-Orient ou en Iraq. Mais en politique intérieure, là où sont les premiers grands défis de Barack Obama, le rêve collectif peut faire des miracles.

Les Américains sont confrontés à une crise financière majeure, à une récession profonde, sur fond de crise sociale, à une crise de valeurs aussi, à un endettement spectaculaire, à une impasse dans le financement des programmes sociaux. Pour réussir à surmonter ces écueils, et le faire le plus rapidement possible, il faudra que les Américains retrouvent leur confiance, et soient capables de se mobiliser sur un objectif commun. Et cela prendra un brin de magie.

Et il faut tous espérer que le miracle ait lieu parce que la situation lamentable dans laquelle se sont mis les Américains nous affecte aussi. Nous avons donc tous intérêt à ce que leurs efforts soient couronnés de succès.

Ça peut marcher. D'abord, dans un premier temps, parce que le capital de sympathie dont jouit M. Obama, plus qu'une lune de miel, un véritable état de grâce, lui donne un avantage évident, notamment pour faire passer rapidement son projet de relance sans être trop soumis aux marchandages sordides typiques de la politique américaine. Cet état de grâce ne durera qu'un temps. Mais déjà, on assiste à un processus où M. Obama a commencé à préparer l'après-euphorie et à mobiliser cette énergie qui provient du rêve et de l'espoir.

On l'a bien vu dans son discours inaugural. Qui fait appel à la patience face à des défis qu'on ne pourra « relever facilement ni rapidement ». Un message que les Américains semblent avoir compris. Qui promet des réformes impopulaires : « Notre économie est gravement affaiblie, conséquence de la cupidité et de l'irresponsabilité de certains, mais aussi de notre échec à faire des choix difficiles ». Un discours qui revient aux valeurs du sacrifice, de l'effort de chacun, du travail, du courage. Un discours qui fait appel patriotisme, aux devoirs de cette grande nation, à la fierté nationale.

Cette façon de donner de l'espoir et de faire appel à l'élan collectif peut donner des résultats aux États-Unis, un pays conscient de sa force et de sa destinée, capable de mobilisation collective et qui peut, quand il se dépasse, réussir des virages étonnants, et justement, de faire des miracles.