Pour de nombreux experts de l'industrie, il est hautement improbable que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) mette en péril l'achat de TQS par Remstar.

Pour de nombreux experts de l'industrie, il est hautement improbable que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) mette en péril l'achat de TQS par Remstar.

Si le CRTC devait rejeter la transaction ou imposer des conditions si contraignantes que Remstar prenne ses jambes à son cou, TQS aurait peu de temps pour se ressaisir. Déjà que la chaîne a vu ses cotes d'écoute s'effondrer, de 12 à 8 parts de marché. Déjà que TQS est incapable de vendre sa grille d'automne aux agences de pub.

La survie de TQS ne tiendrait plus qu'à un fil. Or, la disparition de cette chaîne à la suite d'une décision d'un organisme fédéral déclencherait une bombe politique au Québec.

Est-ce pour cette raison que Maxime Rémillard, visage public de Remstar, s'est présenté devant les conseillers du CRTC sans avoir fait ses devoirs? Chose certaine, la nonchalance de l'homme d'affaires de 33 ans frisait l'arrogance hier.

C'est bien mal connaître Konrad von Finckenstein, le grand patron du CRTC qui préside ces audiences.

Parlez-en à Astral Media. Du temps qu'il présidait le Bureau de la concurrence, Konrad von Finckenstein a bloqué l'achat par Astral de stations de radio dans la région de Québec, même si le CRTC avait déjà approuvé la transaction avec Télémédia!

Né en Allemagne, cet avocat ne craint pas la controverse. Pas plus qu'il ne se laisse intimider par le Canada inc. Il a tapé sur les doigts d'Air Canada lorsque le transporteur tentait d'étouffer la concurrence. Il a critiqué les grandes banques lorsqu'elles contemplaient des fusions.

Aussi, même s'il a été nommé au CRTC par le conservateur Stephen Harper, ce haut fonctionnaire de carrière n'a pas peur de se servir des leviers du gouvernement.

Dès hier, lui et les autres conseillers du CRTC qui tiennent audience ont brandi cette menace. Ils étaient visiblement agacés du fait que Remstar traîne les pieds et n'ait pas produit les états financiers de l'entreprise ou, à défaut, ceux de Maxime Rémillard et de son frère Julien, actionnaires à parts égales du producteur de films. Or, le CRTC tient mordicus à connaître la capacité de Remstar à injecter des capitaux dans TQS.

«Si vous ne les remettez pas, on sera contraint de refuser votre demande», a prévenu le conseiller Michel Arpin.

Ce n'est pas la seule faiblesse du dossier présenté par Remstar et les patrons de TQS. Konrad von Finckenstein n'a pas gobé la nouvelle définition d'information locale de TQS, qui se résume à de l'actualité commentée façon Larry King.

Il faut dire que TQS n'a pas aidé sa cause. D'un côté, Maxime Rémillard parle de faire de «TQS un réseau innovateur qui sort des sentiers battus», avec du «contenu culturel de qualité». De l'autre, TQS réembauche à quelques jours des audiences le maire Stéphane Gendron et le docteur Pierre Mailloux, reconnus pour leurs dérapages en ondes. Même si la décision n'était pas celle de Remstar, c'est dévastateur pour son image.

Il va de soi que TQS, qui a enregistré des pertes de 18 millions l'an dernier, a besoin d'une transformation en profondeur. Mais, de jeter l'information à la poubelle pour la remplacer par de la télé parlée, il y a un grand pas que le CRTC n'est pas prêt à faire sans bonne raison.

Pourquoi jeter le bébé avec l'eau du bain, si l'info régionale est rentable, à preuve les bulletins d'information de la station de Sherbrooke? Pourquoi est-ce que TQS ne miserait plus sur les nouvelles de proximité, contrairement aux stations de radio qui en font leurs choux gras? Remstar a-t-il considéré le modèle de Global qui produit des informations locales en Ontario?

Maxime Rémillard et les patrons de TQS étaient mal préparés pour répondre à ces questions, pourtant prévisibles.

Cela a donné lieu à des échanges édifiants. Michel Arpin a voulu savoir sur quoi s'appuyait la décision de saborder le service de l'information, «sur des études de marché ou sur son pif» ?

Maxime Rémillard a répondu qu'il ne possédait pas une grande expertise média. «Mais on a l'intention d'apprendre le métier très rapidement», a-t-il précisé. Ce à quoi Michel Arpin a répondu que «c'est pour cela que des gens font des études de marché» !

Le grand patron de TQS, Serge Bellerose, a volé au secours de Maxime Rémillard chaque fois que l'occasion se présentait, mais le mal était pour ainsi dire fait.

À la fin, a conclu Konrad von Finckenstein, assouplir la licence de TQS comme le réclame Remstar reviendrait à lui accorder une exception à la Loi sur la radiodiffusion. Exception dont ne profitent pas ses concurrents.

Il arrive que le CRTC fasse des exceptions, a expliqué son président. Mais le Conseil doit être en mesure de les justifier. «Je n'ai pas vu ce matin rien qui me permette d'accorder une telle exception», a conclu Konrad von Finckenstein. Et vlan!

Les conseillers du CRTC ont cherché en vain une ouverture du côté de Remstar: un geste en information, une raison de livrer TQS à Remstar sans perdre la face. Mais Remstar a opposé une fin de non-recevoir: son plan est, apparemment, immuable.

Bien sûr, tout le monde bluffe lors des audiences du CRTC. Mais TQS pourrait bien faire les frais de cette partie de poker.