Les signes de dégradation de l'économie européenne se multiplient. Même le Tigre celtique, l'Irlande, vient de tomber en récession. L'effet domino menace de plus en plus l'Espagne, le Royaume-Uni et même l'Allemagne.

Les signes de dégradation de l'économie européenne se multiplient. Même le Tigre celtique, l'Irlande, vient de tomber en récession. L'effet domino menace de plus en plus l'Espagne, le Royaume-Uni et même l'Allemagne.

Rarement un gouvernement aura pris des mesures aussi draconiennes dans le domaine du travail.

Face à un chômage croissant et une récession imminente, l'Espagne a décidé de prendre le taureau par les cornes: le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero a adopté, il y a quelques jours, un plan visant à renvoyer une partie des immigrants dans leur pays d'origine. Rien de moins.

Ce plan «à caractère volontaire» repose essentiellement sur des incitatifs monétaires. Ainsi les ressortissants de 19 pays, qui sont sans emploi et qui acceptent de quitter l'Espagne pour au moins trois ans, recevront (en deux tranches de 40 et 60%) les indemnités de chômage qui leur étaient promises. Bref, le message est le suivant: si vous partez, on vous donnera votre argent plus vite.

L'Espagne est tombée en profonde léthargie économique avec l'éclatement de la bulle immobilière. Et, de toute évidence, le gouvernement est prêt à tout pour apaiser la grogne populaire.

En 2005, alors que l'économie était au zénith, Madrid avait régularisé 580 000 travailleurs clandestins pour faire marcher le secteur de la construction. Au final, le nombre d'immigrés est passé de 500 000, en 1996, à 5,2 millions aujourd'hui sur une population de 45 millions de personnes.

Mais les grues sur les chantiers espagnols sont arrêtées. Et le chômage est passé de 7,9%, à lété 2007, à 10,5% cet été. Le gouvernement a donc décidé de fermer les frontières en claquant la porte.

La tempête

La décision espagnole, qui fait beaucoup bavarder en Europe, témoigne de la dégradation rapide de la conjoncture et de l'humeur actuelle sur le Vieux Continent.

«L'Europe est au coeur d'une véritable tempête», affirme Jean-Michel Six, économiste en chef chez Standard&Poor's, dans une note financière.

De fait, le continent européen a rarement encaissé simultanément autant de chocs: flambée des matières premières, culbute de l'immobilier, crise financière qui grippe le crédit et les Bourses, envolée de l'euro, hausse des taux européens (le taux directeur de la BCE a doublé en trois ans à 4%). Et, en prime, la défaillance du grand client américain.

Le Danemark a été le premier pays de l'Union européenne à mettre un genou au tapis, enregistrant deux trimestres consécutifs de baisse de sa production de janvier à juin. Jeudi dernier, c'est la naguère dynamique Irlande qui est officiellement entrée en récession. Qui l'aurait cru?

Aujourd'hui, ce sont le Royaume-Uni, l'Italie et l'Allemagne qui emploient le mot débutant par la lettre «R» dans leur scénario économique.

Après avoir baissé de 0,5% au deuxième trimestre, l'économie allemande - la première d'Europe - va sans doute accuser une autre contraction au troisième.

Mercredi dernier, on apprenait que le baromètre de confiance Ifo des industriels allemands est tombé, en septembre, pour la quatrième fois d'affilée.

Le climat des affaires poursuit «sa descente à pas de géant», déplore l'institut économique Hans-Werner Sinn.

L'Allemagne rejoint ainsi ses partenaires de la zone euro. En France, la confiance des industriels a plongé à un creux de cinq ans, selon l'Insee.

En Italie, elle est repartie aussi à la baisse, après s'être stabilisée en août. Même tableau en Belgique.

Déjà, la publication de l'indice des directeurs d'achats (PMI) de la zone euro, descendu en septembre à son plus bas depuis novembre 2001, avait renforcé les craintes de récession.

La BCE à la rescousse?

Face à la tempête qui prend de l'ampleur, de plus en plus de gens appellent à l'aide la Banque centrale européenne.

La BCE devrait «réfléchir sérieusement» à une baisse de ses taux d'intérêt, affirmait la semaine dernière l'institut allemand Ifo.

«Toutes les informations sur l'économie représentent un bon argument en faveur d'un assouplissement prochain de la politique (de taux) de la BCE», ajoute la firme suisse UBS.

Jusqu'ici, l'imperturbable président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a résisté aux pressions en ce sens, poursuivant obstinément une lutte acharnée contre une inflation tenace.

Mais les arguments en faveur de cette stratégie s'effilochent. Et, surtout, la révolte gronde.

À preuve, cet extrait d'un éditorial du magazine français Le Point: «(L'empereur romain) Néron jouait de la lyre en regardant Rome flamber; Jean-Claude Trichet versifie sur une inflation chimérique pendant que la déflation coule l'économie et le système financier européens.»

Le temps presse. Inutile de dire que Monsieur Trichet sera attendu de pied ferme, jeudi prochain, à l'occasion de sa conférence de presse mensuelle.

Ça promet.