Dans son édition du 6 août 2007, le renommé magazine Fortune proposait à ses lecteurs trois titres bancaires qui combinaient à la fois un juteux rendement de dividende, un bon potentiel de croissance et une sous-évaluation en Bourse.

Dans son édition du 6 août 2007, le renommé magazine Fortune proposait à ses lecteurs trois titres bancaires qui combinaient à la fois un juteux rendement de dividende, un bon potentiel de croissance et une sous-évaluation en Bourse.

Les titres recommandés étaient: Bank of America [[|ticker sym='BAC'|]] à 50 $ US, Citigroup [[|ticker sym='C'|]] à 53 $ US et Wachovia [[|ticker sym='WB'|]] à 53 $ US.

Un an plus tard, soit hier, Bank of America se négociait à 32,35 $ US (-35%), Citigroup à 20,85 $ US (-60%) et Wachovia à 16,80 $ US (-68%). Il y a à peine une semaine, ces titres bancaires se négociaient encore à des cours nettement inférieurs à aujourd'hui. C'est vous dire à quel point le prestigieux magazine était dans le champ.

À la décharge de Fortune, il faut dire que le monde bancaire américain traverse depuis août 2007 la plus grave crise de crédit de son histoire, alors que les banques accumulent mois après mois des dizaines et des dizaines de milliards de pertes.

Et ce n'est pas encore terminé: le krach bancaire déclenché par les subprimes, c'est-à-dire les hypothèques à hauts risques aux États-Unis, fait chaque semaine de nouvelles victimes dans le secteur bancaire et ce à l'échelle mondiale. Cinq banques américaines ont déclaré faillite depuis le début de l'année, dont IndyMac Bank.

Première leçon à tirer: lorsque les analystes des maisons de courtage et des magazines spécialisés font des recommandations d'achat, il ne faut jamais prendre cela pour argent comptant et croire qu'ils possèdent la vérité. Les recommandations sont certes de bonne foi, mais elles sont tributaires des informations limitées qu'ils détiennent. Ils ne sont pas devins.

De plus, jusqu'au début de la semaine dernière, les traders et les spéculateurs des hedge funds (fonds spéculatifs) de par le monde s'en donnaient à coeur joie avec les titres bancaires alors qu'ils les vendaient à découvert dans le dessein de faire tomber le cours des actions au plus bas prix possible et les racheter ainsi à prix dérisoires.

Une vente d'actions à découvert consiste à vendre des actions qu'on ne détient pas en portefeuille. Avec une telle stratégie boursière, on fait de l'argent lorsque le cours des actions chute et qu'on ferme sa position en rachetant à prix plus faible les mêmes actions.

En somme, la vente à découvert est l'opposé d'un achat d'actions.

Mais au début de la semaine dernière, nombre de négociateurs et de spéculateurs se sont fait prendre les culottes baissées par la SEC (Securities and Exchange Commission). Les régulateurs boursiers de Wall Street ont en effet décidé d'imposer de nouvelles conditions aux vendeurs à découvert d'actions bancaires. Le but: freiner la spéculation sur les actions des banques et des autres institutions financières.

Une précision. Pour vendre des actions à découvert, il faut que le fonds spéculatif, par exemple, se fasse prêter lesdites actions par une institution financière qui en détient dans son portefeuille.

Or, maintenant, la SEC exige de la part des prêteurs d'actions (19 grandes institutions financières) qu'ils obtiennent au préalable l'autorisation formelle de la part des propriétaires véritables des titres (les actionnaires) avant de les confier à des tiers. Les institutions financières visées par la nouvelle mesure de la SEC sont notamment les grandes banques américaines (Citigroup, Merrill Lynch, Lehman Brothers, Goldman Sachs, Bank of America) et les banques étrangères (UBS, Credit Suisse, HSBC, Deutsche Bank notamment), et les deux entreprises de financement hypothécaire américaines en crise, Fannie Mae et Freddie Mac.

La pratique en vigueur chez les hedge funds se résumait comme suit: ils vendaient à découvert des titres qu'ils ne possédaient pas et, avant même de livrer lesdits titres, ils les rachetaient à plus bas prix dans le but de fermer sa position. Maintenant, la SEC impose aux fonds spéculatifs de se faire prêter physiquement lesdits titres avant de pouvoir les vendre à découvert. Conséquence: les transactions nécessitent maintenant des délais de deux ou trois semaines, ce qui devient inintéressant pour les fonds.

Et il faut croire que la SEC a eu raison d'imposer cette nouvelle règle puisque, la semaine dernière, on a assisté à un rachat massif de la part des fonds spéculatifs et autres spéculateurs qui avaient vendu à découvert des blocs d'actions des banques américaines.

Résultat: un grand nombre de titres bancaires négociés à la cote de la Bourse de New York ont soudainement explosé à la hausse par rapport aux creux qu'ils avaient atteints en début de semaine.

Des exemples. En l'espace de trois séances, Fannie Mae avait rebondi de 89,5%, Freddie Mac de 74,5%, Bank of America de 48,4%, Citigroup de 32,9%, Lehman Brothers de 44,6%, JP Morgan Chase de 29%, Morgan Stanley de 24,4%, Merrill Lynch de 25,2%, Goldman Sachs de 15,9% et UBS de 19,6%.

Deuxième leçon à tirer de la présence crise financière: rien n'est plus imprévisible que la Bourse. Aucun gourou n'avait anticipé cette décision de la SEC de changer les règles du jeu de la spéculation avec les ventes à découvert sur les titres des banques et autres sociétés financières.