Le président et chef de la direction de la Bourse de Montréal, Luc Bertrand, réfute avec force tous les soupçons de délits d'initiés dirigés contre lui et ses collègues de la haute direction par le critique péquiste François Legault.

Le président et chef de la direction de la Bourse de Montréal, Luc Bertrand, réfute avec force tous les soupçons de délits d'initiés dirigés contre lui et ses collègues de la haute direction par le critique péquiste François Legault.

À l'Assemblée nationale, vendredi dernier, les hauts dirigeants de la Bourse de Montréal se sont fait reprocher d'avoir hypothétiquement profité d'informations privilégiées pour tirer profit de la récente offre de fusion avec la Bourse de Toronto, laquelle offre a fait bondir le prix de l'action de la Bourse montréalaise de presque 20%.

Luc Bertrand est outré. Lors de l'entrevue accordée à La Presse mardi, il a affirmé qu'aucune négociation n'avait été amorcée sur la fusion de la Bourse de Montréal avec la Bourse de Toronto lorsqu'il a fait l'acquisition d'un bloc 150 730 actions, le 2 août dernier, pour un débours de presque 5 millions de dollars.

Deux autres initiés ont investi massivement lors de la séance du 2 août: Jean Turmel (président du conseil d'administration) a déboursé 3,3 millions pour acquérir un bloc de 100 000 actions et l'administrateur S. Wayne Finch a allongé 1,6 million pour acheter un bloc de 50 000 actions additionnelles.

Dans le cadre du projet de fusion, ces trois initiés ont convenu de céder la totalité de leurs actions.

Mais pourquoi M. Bertrand n'a-t-il pas tenu compte des rumeurs qui couraient à l'époque sur une possible fusion de sa Bourse avec celle de Toronto? Parce que cela faisait deux ans, dit-il, que des rumeurs couraient.

Et sur un ton ferme, il a expliqué qu'il ne pouvait pas être en situation de délits d'initiés puisque les transactions ont été effectuées alors qu'il n'y avait aucune discussion entre les dirigeants des Bourses de Montréal et de Toronto.

Son argument-clé pour démontrer que ni lui ni ses deux collègues (Turmel et Finch) ont pu bénéficier d'informations privilégiées, c'est celui-ci: les blocs d'actions provenaient des deux dirigeants de la Bourse qui ont décidé de quitter, soit le vice-président Philippe Loumeau (départ prévu à la fin de décembre) et la vice-présidente Louise Laflamme (départ à la fin de juin 2008).

Partant de là, Luc Bertrand tire la conclusion suivante: «Il ne peut y avoir délit d'initiés puisque les transactions ont été effectuées entre initiés possédant les mêmes informations.»

Difficile à défendre

Voilà un point de vue qui ne sera pas facile à défendre... devant l'Autorité des marchés financiers qui, à la demande de la ministre Monique Jérôme-Forget, vérifie actuellement lesdites transactions des initiés de la Bourse de Montréal.

Voici pourquoi.

> Un: le départ de Philippe Loumeau de la Bourse de Montréal a été annoncé le 13 juin. À ce moment-là, l'action de la Bourse de Montréal se négocie autour des 40$.

Il ne vend pas tout de suite. M. Loumeau attendra finalement le 2 août pour vendre ses 600 415 actions... à seulement 33$.

«Il voulait vendre pour des raisons fiscales», explique Luc Bertrand. Entre le 13 juin et le 2 août, les initiés ne pouvaient échanger des actions durant la période allant du 25 juin au 26 juillet. Mais en dehors de cette période, pas de problème.

M. Loumeau a ainsi attendu de vendre à bas prix!

> Deux: le 2 août correspond à une séance boursière anormalement active pour le titre de la Bourse de Montréal alors que 970 917 actions ont changé de mains.

L'action a fermé à 33,70$, après avoir fluctué entre un bas de 32,65$ et un haut de 33,75$. Lors des deux séances précédentes, à peine de 39 400 à 45 300 actions avaient été échangées.

Sur les 970 917 actions échangées le 2 août, un bloc de 600 415 provenait de M. Loumeau et un bloc de 100 000 de Louise Laflamme.

Pourquoi Luc Bertrand et ses deux collègues (Jean Turmel et Wayne Finch) ont-ils acquis à eux seuls presque le tiers des actions échangées lors de cette journée super active du 2 août?

Réponse de M. Bertrand: pour aider la vente des blocs de M. Loumeau et de Mme Laflamme. Ils voulaient éviter, explique-t-il, que ces deux collègues liquident à petites doses leurs blocs d'actions.

Cela aurait exercé une pression à la baisse sur le titre, ajoute M. Bertrand.

> Trois: c'est le 2 août que l'agence de presse Bloomberg avait rapporté les propos du président de la Bourse de Toronto, Richard Nesbitt.

Il avait déclaré à Montréal devant un groupe d'investisseurs qu'il souhaitait la fusion des Bourses de Montréal et de Toronto.

Les Bourses de Montréal et de Toronto, avait déclaré M. Nesbitt, devraient fusionner pour réduire leurs coûts et offrir les transactions sur les actions et les produits dérivés sur une seule plate-forme.

Il avait même averti les investisseurs de se préparer à une fusion des deux principales Bourses au pays.

Appelé à commenter cette déclaration de M. Nesbitt sur le projet de fusion entre les deux Bourses, M. Bertrand n'en avait pas souvenance.

Et c'était à ses yeux sans importance. De toute façon, a-t-il ajouté, les transactions entre les initiés (acheteurs et vendeurs) de la Bourse de Montréal avaient été planifiées pour être exécutées la veille, soit le 1er août.

Mais un problème technique a fait en sorte qu'elles ont plutôt été exécutées le 2 août...

Petit hic: la déclaration de M. Nesbitt devant des investisseurs réunis à Montréal a été faite le 1er août, selon l'agence Bloomberg, mais rapportée le 2 août sur le fil de presse.

Fait à noter: dans son article, l'agence Bloomberg rapporte que le porte-parole de la Bourse de Montréal, Jean-Charles Robillard, n'avait pas rappelé le 2 août pour livrer des commentaires sur la déclaration de Richard Nesbitt.

Quoi qu'il en soit des circonstances pour le moins embarrassantes, Luc Bertrand trouve que le Québec devrait être fier de l'entente de fusion que lui et ses collègues de la direction de la Bourse de Montréal viennent de conclure avec la Bourse de Toronto.

«Qu'on nous supporte, bâtard!»