Parmi les conséquences de la brusque montée du dollar canadien, celle qui a sans doute le plus retenu l'attention est certainement son impact négatif sur les exportations.

Parmi les conséquences de la brusque montée du dollar canadien, celle qui a sans doute le plus retenu l'attention est certainement son impact négatif sur les exportations.

Le huard, qui traînait la patte aux alentours de 63 cents US il y a quatre ans, s'échange pratiquement en parité aujourd'hui. Concrètement, cela veut dire que pour le client américain, un produit canadien coûte 57% plus cher qu'en 2003.

On comprend le désarroi des exportateurs, on comprend aussi pourquoi il est si facile de blâmer la vigueur du dollar pour les pertes d'emplois massives dans le secteur manufacturier.

Or, si la force du dollar fait des perdants, elle fait aussi des gagnants.

C'est ce que rappellent deux économistes de Statistique Canada, Philip Cross et Ziad Ghanem, dans une étude qui vient d'être publiée dans L'Observateur économique canadien, une publication spécialisée de l'agence fédérale de statistique.

Les auteurs notent d'abord, avec beaucoup de pertinence, que les variations du taux de change, toutes brutales puissent-elles être, n'ont pas beaucoup d'impact sur l'économie.

Le rythme réel de croissance économique s'est maintenu à son niveau des quatre dernières années, tandis que le taux de chômage est descendu à son plus bas niveau en trente ans (les emplois perdus dans le manufacturier étant amplement compensés par les nouveaux emplois dans les services).

Si l'économie canadienne n'a pas été perturbée par la montée du huard, celle-ci, observe le document «s'est accompagnée de larges effets de distribution», c'est-à-dire que son impact a été fort différent d'un secteur à l'autre.

Pour mesurer cet impact, les auteurs ont comparé, par secteur d'activité, le volume des exportations et des importations. Tous les secteurs de l'économie vendent et achètent à l'extérieur, à des degrés divers.

La force du dollar freine vos exportations, mais vous permet d'importer à des prix qui n'ont jamais été aussi bas depuis les années 50.

En faisant la différence entre les deux, on peut clairement apercevoir quels sont les secteurs les plus vulnérables et les plus robustes. Évidemment, les industries les plus fragiles sont celles qui dépendent largement des exportations et qui importent peu.

En revanche, les industries importatrices qui vendent surtout sur le marché canadien se tirent bien d'affaires.

Voyons ce que cela donne pour différents secteurs:

> Sans surprise, les auteurs constatent que les industries du bois et du papier figurent parmi les grands éclopés. Ce secteur exporte 48% de sa production, mais les importations ne représentent que 12% de ses achats, ce qui laisse un déficit de 36 points de pourcentage.

Cette seule donnée aide à comprendre les difficultés du secteur, mais ce n'est pas tout: la chute de la demande de bois d'oeuvre et de papier journal entraînent aussi une baisse des prix, de sorte que le volume des exportations diminue, et que les exportateurs sont payés de moins en moins cher.

> Sur papier, l'industrie du vêtement semble tirer son épingle du jeu. En 1997, elle exportait 37% de sa production; en 2006, malgré la hausse du huard, cette proportion était passée à 49%.

Mais ces chiffres sont trompeurs, parce que la production est en chute libre. L'ennemi numéro un de l'industrie canadienne du vêtement, ce n'est pas le taux de change, mais la concurrence asiatique, grande responsable des fermetures d'usines.

> Le secteur de l'équipement de transport (automobile, aéronautique, transports en commun, pièces) demeure hautement fragile. Cette industrie exporte 73% de sa production. Aucun autre secteur de l'économie n'atteint, même de loin, une aussi forte proportion.

Certes, c'est aussi un secteur qui importe beaucoup: 43% de tous les achats de l'industrie proviennent de l'extérieur. Là aussi, c'est une solide première place. Les avantages des importations bon marché compensent donc en bonne partie pour les inconvénients d'un dollar fort, mais pas assez: au bout du compte, il reste un écart de 30 points de pourcentage.

> À l'autre bout de l'échelle, la situation profite largement au secteur de la construction. Voilà une industrie qui n'exporte pas. Pratiquement toute sa production est destinée au marché domestique. La hausse du dollar n'a donc aucun impact négatif sur ses activités.

En revanche, elle achète toutes ses importations en provenance des États-Unis à prix d'aubaine. Les services publics, le secteur financier (banque, assurance, etc.), l'éducation, la santé, les aliments et boissons, l'imprimerie font partie des secteurs que la hausse du huard a peu ou pas affecté.

> Un mot en terminant sur le pétrole, qui présente un cas à part. L'industrie pétrolière canadienne devrait normalement être hautement sensible aux fluctuations du taux de change, puisqu'elle exporte 51% de sa production.

D'autre part, c'est un secteur où les importations ne représentent que 6% des intrants. Il en résulte un trou de 45 points, le plus élevé de tous les secteurs de l'économie.

En principe, ce déficit devrait placer l'industrie pétrolière canadienne dans une position d'extrême dépendance. Pourtant, les pétrolières nagent dans les profits. Cela s'explique par la hausse de la demande, qui a entraîné l'escalade des prix pétroliers que l'on sait.