Juste comme vous pensiez que le party des fusions et des acquisitions était terminé, voilà Microsoft qui rapplique avec une offre de près de 44,6 milliards de dollars américains pour Yahoo!, cette grande pionnière de l'Internet.

Juste comme vous pensiez que le party des fusions et des acquisitions était terminé, voilà Microsoft qui rapplique avec une offre de près de 44,6 milliards de dollars américains pour Yahoo!, cette grande pionnière de l'Internet.

Pour mettre les choses en perspective, c'est la plus grande acquisition jamais tentée par Microsoft.

Mais bon, le numéro un mondial du logiciel n'est pas exactement l'otage de ses banquiers et du marché du crédit! Que les marchés se soient refroidis, Microsoft s'en fiche complètement.

En fait, le moment ne peut pas être mieux choisi. Ce qui explique sans doute pourquoi Microsoft s'est impatienté et a lancé une offre d'achat non sollicitée après 18 mois de discussions tour à tour reprises puis abandonnées.

L'action de Yahoo! s'est effondrée au cours des trois derniers mois, effaçant près de la moitié (44%) de sa valeur.

Même à 31 $ US l'action, ce qui représente une prime de 62% sur le cours de fermeture de l'action de Yahoo! jeudi, l'offre du géant de Redmond, Washington, reste inférieure au sommet de 34,08 $ US touché fin octobre.

Jerry Yang, cet ancien étudiant de l'Université Stanford qui a cofondé Yahoo! en 1994, était pourtant revenu en catastrophe à la tête de l'entreprise en juin dernier. Mais il n'a pas réussi à opérer le miracle de Steve Jobs chez Apple. Car les problèmes de Yahoo! sont profonds.

Aussi, c'est à ce demander si l'aubaine Yahoo! est vraiment une occasion. Et si Microsoft réussira enfin à chauffer les fesses de Google, lui qui a déjà claqué une fortune sans y parvenir.

Car c'est le but premier de cette transaction, même si Microsoft se garde bien de nommer Google, évoquant seulement dans son communiqué «ce joueur unique qui domine de plus en plus le marché».

Un marché mirobolant, d'ailleurs. Les ventes de publicité en ligne devraient doubler d'ici trois ans, prévoit Microsoft, passant de 40 milliards US à 80 milliards US d'ici 2010.

En achetant Yahoo! , Microsoft met la main sur un grand nom de l'Internet. Aujourd'hui encore, les sites Yahoo! restent les plus fréquentés de la planète, même si cette domination est de plus en plus menacée.

L'ennui, c'est que les internautes visitent plus Yahoo! pour son service courriel que pour son moteur de recherche. Or, la recherche, c'est le nerf de la guerre. C'est là que les annonceurs dépensent le plus d'argent.

Google domine ce marché de façon outrageuse. En décembre, Google accaparait plus de 58% du marché de la recherche aux États-Unis, contre 23% pour Yahoo et 10% pour Microsoft, indiquent les dernières données de la firme comScore.

Même réunies, Yahoo et Microsoft resteraient donc loin derrière Google, avec une part de 33%.

Le grand patron de Microsoft, Steve Ballmer, fait le pari qu'en combinant les deux entreprises, ils atteindront une masse critique dans cette industrie où tout est affaire de taille.

La réunion des sites permettra à Microsoft de faire des propositions plus alléchantes aux annonceurs. La mise en commun des chercheurs laisse aussi entrevoir des percées technologiques.

La technologie est justement le talon d'Achille de Yahoo!. Durant ses six années à la tête de Yahoo!, l'ancien chef de la direction Terry Semel n'a pas beaucoup investi dans le développement logiciel, qui est pourtant au coeur de tout moteur de recherche.

Cet ancien grand patron de Warner Bros. était plus préoccupé par la production de contenus et par la restructuration du service des ventes.

Si Terry Semel a réussi à redresser Yahoo! après le krach des technos, il a laissé aller le lancement de nouveaux services.

Même le tant attendu système de recherche Panama, qui priorise les annonces non seulement en fonction du prix payé par les annonceurs mais aussi en fonction de l'efficacité des réclames auprès des internautes, n'a pas séduit les agences de placement médias.

Ce parti pris pour le contenu plutôt que pour la techno avait déjà entraîné une désaffection des meilleurs développeurs logiciels chez Yahoo! , ont observé plusieurs analystes techno.

Or, une prise de contrôle par Microsoft n'aidera pas nécessairement l'image de Yahoo! dans la Silicon Valley. Comme l'illustre de façon hilarante les publicités du Mac, il y a un beau choc de cultures d'entreprise en vue!

C'est sans parler de la difficulté d'intégrer une entreprise de la taille de Yahoo! qui compte plus de 10 000 employés.

Aussi séduisantes qu'elles soient, les grosses acquisitions provoquent souvent des indigestions dont les entreprises se remettent lentement.

Le secteur des médias ne manque d'ailleurs pas d'exemples, que l'on songe à l'achat d'AOL par Time Warner ou encore à celui de Universal par Vivendi.

Dans le contexte, le milliard de dollars par année de revenus supplémentaires et d'économies d'échelle annoncé par Microsoft tient plus de l'espérance que de la certitude.

Bref, acheter Yahoo! est beaucoup plus facile à annoncer qu'à faire. Mais la domination de Google est telle qu'on se surprend presque à souhaiter que la nouvelle Microhoo! réussisse.

Ironique, non, qu'il faille un «méchant monopole» pour donner la frousse à ce monstre tentaculaire qu'est devenu Google.