Des orphelins se sont fait voler l'argent de leur survie et de leur avenir. Des retraités se sont fait voler les économies d'une vie.

Des orphelins se sont fait voler l'argent de leur survie et de leur avenir. Des retraités se sont fait voler les économies d'une vie.

Des drames humains, il en reste plus de 8000 dans l'affaire Norbourg. Huit mille victimes qui n'ont pas récupéré un cent des 100 M$ que leur a volés Vincent Lacroix.

Quelle histoire abracadabrante. L'affaire Norbourg a mis en lumière des failles inacceptables dans la surveillance du secteur financier québécois et la protection des épargnants contre les magouilleurs de la finance.

Comme cette surveillance relève de l'organisme gouvernemental, l'Autorité des marchés financiers (AMF), le gouvernement Charest devrait faire preuve de compassion envers les épargnants floués et les dédommager, sur une base exceptionnelle, bien entendu.

Nous ne sommes pas ici en présence d'épargnants qui ont perdu des sommes colossales en jouant au spéculateur.

Nous sommes ici en présence d'épargnants qui ont investi de façon conservatrice leurs épargnes dans des fonds communs de placement que l'AMF devait surveiller.

Pour se faire rembourser, que le gouvernement du Québec poursuive les gens et les institutions impliqués dans le scandale.

Mais bon! Pour l'heure, l'Autorité des marchés financiers s'est dite «satisfaite» du jugement du juge Claude Leblond qui a reconnu Vincent Lacroix coupable des 51 chefs d'accusation pour avoir contrevenu à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

La ministre des Finances Monique Jérôme-Forget a tenu à féliciter son organisme de réglementation et d'encadrement du secteur financier du Québec (l'AMF) pour avoir pris l'initiative desdites poursuites.

Pour sa part, le premier ministre Jean Charest a sauté sur l'occasion pour rappeler aux membres de l'Assemblée nationale que son gouvernement avait déjà pris des mesures pour aider les investisseurs floués et pour donner à l'avenir plus de pouvoirs l'AMF.

Et pendant que le porte-parole de l'ADQ, Gilles Taillon, réclamait une enquête indépendante sur la responsabilité de l'AMF dans l'affaire Norbourg, la chef péquiste, Pauline Marois, suggérait notamment que l'AMF offre un soutien aux victimes de fraude.

Bref, les autorités gouvernementales sont bien contentes de voir Lacroix se faire enfin épingler sur les 27 chefs d'accusation qui portaient sur ses pratiques déloyales, abusives et frauduleuses et sur les 24 autres chefs qui portaient sur la remise à l'AMF de documents (états financiers, rapports annuels, notices) contenant de l'information fausse ou trompeuse.

Avec raison, le grand patron de l'AMF, Jean St-Gelais, a qualifié les crimes économiques de graves et de dommageables pour les investisseurs et la société en général.

«Ils devraient être sanctionnés avec toute la sévérité nécessaire. Les sanctions doivent être les plus dissuasives possible afin d'envoyer un message clair. Il est intolérable de croire que les fraudeurs puissent s'en tirer facilement.»

Après avoir souligné «l'excellent travail des enquêteurs, des avocats et d'autres experts afin de présenter une preuve accablante sur la culpabilité de Vincent Lacroix», M. St-Gelais a rappelé que la priorité de l'AMF a toujours été de retourner le plus rapidement possible le maximum d'argent aux investisseurs floués.

«Il ne faut jamais perdre de vue que 9200 personnes ont perdu près de 130 millions dans cette histoire et c'est pour elles que nos actions doivent se poursuivre.»

Bravo pour ces paroles rassurantes! Justement, je trouve que les victimes de Norbourg devraient être exceptionnellement dédommagées par le Fonds d'indemnisation de l'Autorité des marchés, ou tout autre programme gouvernemental.

Après tout, si Vincent Lacroix a pu flouer d'aplomb ses 9200 clients c'est parce que l'Autorité des marchés, en tant qu'organisme de surveillance du réseau de distribution des fonds communs de placement au Québec, a notamment fait preuve de laxisme.

Voici quelques passages du communiqué que l'AMF a émis le 22 mars 2006 et dans lequel elle faisait le point sur une enquête interne concernant la tentative de Vincent Lacroix de soudoyer un des employés de l'Autorité.

«Heureusement, l'employé en question a refusé séance tenante les offres de Vincent Lacroix. () Toutefois, l'Autorité en est venue à la conclusion que certains employés ont fait preuve d'imprudence et d'un manque de jugement. L'Autorité prend donc des mesures afin de s'assurer que de telles situations ne se reproduisent plus. Des activités de sensibilisation sont prévues à cet effet. () Par ailleurs, des sanctions disciplinaires ont été prises et huit employés ont été suspendus pour des périodes variant entre cinq jours et trois mois.»

Ajoutons à cela le fameux fax que le CANAFE (Centre d'analyse des opérations et des déclarations financières du Canada) avait envoyé en avril 2005 à l'Autorité des marchés dans le but d'attirer son attention sur de louches transferts de fonds en provenance de Norbourg.

Par manque de vigilance, ledit fax est longtemps resté sur les tablettes de l'AMF.

Que dire aussi du manque de vigilance de l'AMF devant des rapports de Norbourg remplis de fausses informations financières.

Comme on sait, le Fonds d'indemnisation de l'AMF n'a accepté de dédommager que 900 des 9200 clients des fonds Norbourg (et Évolution). Raison évoquée: les 8300 autres victimes de Norbourg n'étaient pas des clients directs du conseiller financier Vincent Lacroix.

C'est le Vincent Lacroix gestionnaire des portefeuilles de Norbourg et Évolution qui les a floués et non le conseiller.

Méchante nuance, quand on sait qu'il s'agit du même filou! Qu'à cela ne tienne, c'est là-dessus que l'Autorité mise pour refuser d'indemniser ces 8300 victimes.

Je propose au gouvernement Charest de jouer non pas au père Noël mais plutôt au bon Samaritain!