De tous les paliers de l'administration publique, les municipalités sont certainement les plus proches des préoccupations et des besoins locaux. C'est pour cela qu'en période de crise économique, elles sont mieux placées que les provinces ou Ottawa pour intervenir efficacement. Mais dans la vraie vie, elles sont incapables d'agir.

De tous les paliers de l'administration publique, les municipalités sont certainement les plus proches des préoccupations et des besoins locaux. C'est pour cela qu'en période de crise économique, elles sont mieux placées que les provinces ou Ottawa pour intervenir efficacement. Mais dans la vraie vie, elles sont incapables d'agir.

Ce constat d'impuissance a été émis hier par l'économiste Mario Lefebvre, directeur du Centre d'études municipales du Conference Board. M. Lefebvre ne peut s'empêcher de qualifier cette situation de «malheureuse».

En situation de crise économique et financière, comme c'est le cas maintenant, à peu près tous les économistes s'entendent pour dire que le gouvernement doit intervenir. Il peut le faire de plusieurs façons.

Il peut réduire les taxes et les impôts, ce qui le prive de revenus, mais qui a l'avantage de mettre plus d'argent dans les poches des consommateurs. En dépensant cet argent, les ménages contribueront à relancer la roue de l'économie. Hélas! au Canada, cette solution peut difficilement être appliquée.

Depuis le retour à l'équilibre budgétaire, à la fin des années 90, Ottawa et la plupart des provinces ont annoncé d'importantes baisses d'impôts. Aujourd'hui, les provinces, handicapées par le financement de plus en plus coûteux des soins de santé, sont sur la corde raide et n'ont pas les moyens de se priver davantage de revenus. À Ottawa, le gouvernement Harper a stupidement bousillé sa marge de manoeuvre en abaissant la TPS de deux points de pourcentage. Vrai, c'était une promesse électorale, mais promesse irresponsable: le gouvernement se prive ainsi de revenus de 11 milliards par année sans que cette baisse n'ait véritablement réussi à relancer la consommation. Si M. Harper tenait vraiment à aider les contribuables, des baisses de l'impôt sur les revenus auraient été beaucoup plus fécondes sur le plan économique, mais il est trop tard...

Quant aux municipalités, elles doivent carrément écarter cette solution. Les municipalités retirent la majeure partie de leurs revenus budgétaires des impôts fonciers. Or, ceux-ci ne représentent qu'une petite portion de la tarte fiscale, c'est-à-dire de l'ensemble des taxes et impôts perçus par tous les ordres de gouvernement. M. Lefebvre cite le cas d'un ménage qui paie 2000$ par année en impôts fonciers. En supposant que la municipalité accorde une baisse d'impôts fonciers de 5%, on obtient donc une épargne de 100$. Les municipalités permettant aux contribuables d'acquitter leur compte de taxes en deux versements (certaines étirent même le calendrier à trois paiements). Dans le cas que vous venons de voir, cela signifie un rabais de 50$ en début d'année et un autre pareil six mois plus tard. Il n'y a pas là de quoi relancer la consommation, et la municipalité se priverait de revenus importants. De plus, comme les municipalités ne peuvent pas créer de déficits, elles devraient combler le manque à gagner par une hausse de leurs autres revenus (tarification, parcomètres). Voilà pourquoi les municipalités ne peuvent rien faire à ce niveau.

Il existe une autre forme d'intervention: augmenter les dépenses publiques, quitte à replonger les finances publiques dans le rouge. Sur ce point, il existe un consensus: les dépenses en immobilisations sont, de loin, les plus productives. Les dépenses de programmes sont récurrentes; une fois que vous avez créé un nouveau programme, ou que vous augmentez le budget d'un programme, il est extrêmement difficile de revenir en arrière. Vous êtes coincés avec des dépenses qui augmentent année après année, sans tenir compte de la conjoncture économique.

Les dépenses d'immobilisations, au contraire, ne sont pas récurrentes. Lorsque vous améliorez un réseau d'égout, construisez une route, un pont, un quai ou un aéroport, lorsque vous aménagez un parc, vous créez de l'emploi au moment où on en a le plus besoin et vous contribuez à améliorer la qualité de vie des gens.

Les municipalités ont évidemment des programmes d'immobilisations, mais leurs ressources sont limitées. En aucun cas, elles ne peuvent les réaliser sans l'aide financière des provinces et du fédéral. Pourtant, ce sont elles qui connaissent le mieux les besoins en matière d'équipements récréatifs, logements sociaux, voies de communication, bibliothèques.

M. Lefebvre n'émet pas de solution à ce problème, il ne fait que le constater.

«C'est triste à admettre», conclut-il, «mais les municipalités n'ont aucun contrôle sur la situation; c'est également triste de voir que, dans bien des cas, elles seraient mieux placées pour agir, mais qu'elles ne disposent tout simplement pas des outils nécessaires pour le faire.»