S'il devait finir par approuver le plan de relance de 700 milliards du président Bush, le Congres américain viendrait infliger un fardeau intolérable à des finances publiques déjà fort mal en point.

S'il devait finir par approuver le plan de relance de 700 milliards du président Bush, le Congres américain viendrait infliger un fardeau intolérable à des finances publiques déjà fort mal en point.

En huit ans d'administration Bush, les équilibres financiers américains ont en effet subi une forte détérioration, de sorte que la crise financière ne pouvait vraiment pas plus mal tomber.

Lorsqu'il s'est installé à la Maison-Blanche en 2000, M. Bush hérite d'un surplus de 236 milliards.

Après les attentats du World Trade Center, la guerre en Afghanistan entraîne une importante augmentation des dépenses militaires; le surplus est pulvérisé en deux ans. Par la suite, l'administration accumule les déficits, principalement pur deux raisons:

1) La guerre en Irak engloutit des sommes colossales. En 2000, les dépenses militaires américaines se situait à 281 milliards, ce qui est déjà énorme; cette année, ce montant frisera les 600 milliards. Le budget américain de la Défense accapare maintenant 26 % des dépenses de programmes du gouvernement, contre 18 % il y a huit ans. Cette hausse contribue fortement à gonfler les dépenses du gouvernement de 60 % en huit ans.

2) Pendant que les dépenses explosent, les revenus piétinent. Entre 2000 et 2008, les recettes budgétaires du gouvernement n'augmentent que de 11 %, ce qui ne couvre même pas la hausse de l'indice des prix à la consommation. Cette stagnation est évidemment due aux importantes baisses d'impôts accordées par l'administration Bush.

En 2000, les recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers atteignaient 1004 milliards. Sous l'effet des baisses d'impôt, ces recettes fondent jusqu'à 800 milliards en 2004, et il faudra attendre 2006 pour qu'elles dépassent à nouveau la barre des 1000 milliards. Cette année, elles devraient osciller aux alentours de 1100 milliards.

Le résultat est inévitable: le déficit gonfle.

L'année financière du gouvernement américain prend fin aujourd'hui même, le 30 septembre. Ce n'est donc que dans quelques jours que nous connaîtrons les résultats de l'exercice. Mais nous savons déjà que pour les onze premiers mois, le déficit atteint le montant record de 486 milliards.

En huit ans, la dette publique américaine est passée de 58 à 68 % du Produit intérieur brut (PIB). Elle frise maintenant les 10 mille milliards de dollars (le chiffre dix suivi de douze zéros), ou 32 000$ par citoyen, incluant les bébés.

Toutes proportions gardées, cela commence dangereusement à ressembler au cul-de-sac financier où se trouvait le Canada au pire de la crise des finances publiques, dans les années 1990. Dieu sait quels sacrifices les Canadiens ont dû consentir pour s'extraire du bourbier: hausses dramatiques de taxes, compressions dans les transferts aux provinces et dans les programmes sociaux, détérioration des infrastructures, mises à pied dans la fonction publique, entre autres.

Et voici que les Américains, coincés comme ils le sont avec des finances publiques cancéreuses, reçoivent sur le tête une facture de 700 milliards. Jamais le Canada n'a-t-il connu pareille tuile. C'est une authentique catastrophe.

Le plus ironique, c'est que sans la rapide détérioration des finances publiques sous l'administration républicaine, les États-Unis auraient facilement pu surmonter la tempête. Imaginons un instant que la même crise se produise, dans les mêmes conditions, mais à la différence près que les résultats du gouvernement soient excédentaires de 236 millions, exactement comme en 2000. Washington aurait clairement pu allonger tout l'argent nécessaire.

Au lieu de cela, les Américains se retrouvent littéralement pris dans un énorme piège financier.

Le nouveau président qui prendra la relève dans quelques mois sera confronté à des choix déchirants: annuler les baisses d'impôts de George Bush? Introduire de nouveaux impôts?

Réduire les dépenses, et en premier lieu les dépenses militaires, ce qui remet dramatiquement en question la présence américaine en Irak? Ou, pire, couper dans des programmes comme la sécurité sociale, qui n'ont pourtant pas été particulièrement choyés sous l'administration Bush: 38 % d'augmentation en huit ans, pratiquement trois fois moins que les dépenses militaires.