Après 10 ans d'efforts, le ministère des Finances n'a pas encore réussi à mettre un terme aux agressives stratégies fiscales utilisées par des entreprises solidement implantées au Québec pour éviter l'impôt provincial.

Après 10 ans d'efforts, le ministère des Finances n'a pas encore réussi à mettre un terme aux agressives stratégies fiscales utilisées par des entreprises solidement implantées au Québec pour éviter l'impôt provincial.

En mai 2006, Revenu Québec a évalué à un demi-milliard d'impôt impayé le manque à gagner attribuable à l'évitement fiscal.

Mais Québec ne lâche pas le morceau et c'est pourquoi la ministre Monique Jérôme-Forget a décidé d'injecter une somme additionnelle de 9 millions par année dans de nouvelles initiatives de lutte contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal.

Selon les prévisions de la ministre, cet investissement de 9 millions devrait rapporter annuellement au gouvernement des revenus additionnels d'impôt recouvré de 85 millions.

C'est donc dire que chaque dollar investi par Québec dans la lutte contre l'évasion fiscale devrait lui rapporter 8,50$.

Il s'agit donc, sur papier, d'un très bon placement. La question est de savoir si le ministère des Finances et son partenaire (Revenu Québec) dans la lutte contre l'évasion fiscale vont atteindre leur objectif.

Rappelons les faits. Il y a 10 ans, dans le cadre du budget 1998-99, le ministre des Finances avait annoncé la mise en place d'une nouvelle politique fiscale visant à contrer l'évitement de l'impôt provincial au moyen d'une fiducie.

Mais en raison de quelques imprécisions contenues dans le projet de loi budgétaire de 1999, des fiscalistes d'un grand nombre d'entreprises ont érigé des montages fiscaux dans le dessein de continuer à éviter de payer de l'impôt au Québec.

C'est notamment par l'entremise de fiducies que les entreprises réussissaient à esquiver l'impôt provincial. Le stratagème consiste à jouer sur le lieu de résidence, soit de la fiducie, soit de son bénéficiaire, de manière à esquiver la facture d'impôt provincial.

En mai 2006, le ministre du Revenu de l'époque, Lawrence Bergman, a présenté un nouveau projet de loi pour essayer de contrer ces montages fiscaux.

Et il annonçait du même coup que son ministère allait faire parvenir au cours des prochaines semaines des avis de cotisation à 150 entreprises et ce pour un montant total d'impôt impayé de quelque 500 millions de dollars.

Il y aurait encore des dizaines et des dizaines d'entreprises implantées au Québec qui utilisent des stratagèmes de planification fiscale agressive (audacieuse ou abusive) pour éviter de payer de l'impôt provincial.

Dans son budget 2008-2009, le ministère des Finances affirme que l'élaboration de PFA (planifications fiscales agressives) est aujourd'hui en forte progression.

«De façon générale, une PFA est une opération d'évitement fiscal qui consiste à réduire le taux effectif d'imposition applicable à un revenu particulier à un niveau inférieur à celui voulu par la politique fiscale à l'égard d'un tel revenu Contrairement à l'évasion fiscale qui se caractérise par la violation d'une disposition spécifique de la loi, l'évitement fiscal respecte habituellement les dispositions de la loi. C'est pourquoi une PFA est parfois décrite comme étant une opération d'évitement fiscal qui respecte la lettre de la loi mais qui en abuse l'esprit», explique le Ministère.

Pour contrer la prolifération de l'évitement fiscal, le ministère des Finances compte sur la mise en place, au sein de Revenu Québec, d'une équipe spécialisée dans la gestion, la détection et la répression des PFA.

Le ministère des Finances lance par ailleurs une mise en garde aux ratoureux fiscalistes: «Enfin, les PFA reposent sur le mépris du civisme fiscal et leur utilisation soulève des questions éthiques sérieuses qui concernent l'ensemble de la communauté fiscale. À titre d'exemple, on peut se demander s'il est acceptable que des professionnels parmi les plus talentueux de notre société consacrent leur talent à élaborer des planifications fiscales dont le but premier est de contourner l'objectif poursuivi par des dispositions contenues dans une loi d'ordre public.»

Et l'automne prochain, le Ministère entend déposer un livre vert sur l'encadrement des PFA, question de lancer une réflexion publique et de sensibiliser l'ensemble de la communauté fiscale aux problèmes découlant des PFA.