Nous sommes le 23 juin 1983, au petit matin. La «patente» de Ti-Louis Laberge vient d'être officialisée alors que le gouvernement Lévesque adopte le projet de loi créant le Fonds de solidarité de la FTQ.

Nous sommes le 23 juin 1983, au petit matin. La «patente» de Ti-Louis Laberge vient d'être officialisée alors que le gouvernement Lévesque adopte le projet de loi créant le Fonds de solidarité de la FTQ.

Et qu'on se le tienne pour dit: «Le Fonds ne sera pas un organisme de charité ni une agence de subventions, il veut être rentable.»

Parole du tout-puissant chef syndical Louis Laberge. Soutenue par le ministre des Finances Jacques Parizeau, la "patente" de Ti-Louis Laberge démarre avec un prêt gouvernemental de 10 millions. D'entrée de jeu, le milieu patronal clame que le nouveau fonds syndical ne saurait investir avec compétence.

Aujourd'hui, 25 ans plus tard, le Fonds de la FTQ gère un actif net de 7,4 milliards. Il compte 575 000 actionnaires, dont 58% syndiqués et 42% non syndiqués. Son rendement annuel moyen: 5%. Nombre d'entreprises dans lesquelles il est partenaire: 1700. Emplois créés, maintenus ou sauvés: 122 000.

En ce 23 juin 2008, force est de constater que la «patente» de Louis Laberge est devenue l'un des investisseurs les plus importants du Québec, incontournable dans l'économie du Québec.

Un acteur aussi important, par contre, ça dérange une partie du patronat. La preuve, le professeur Jean-Marc Suret, dans une étude réalisée pour le compte de l'Institut économique de Montréal, soutient que le temps est même venu pour les gouvernements d'éliminer les deux généreux crédits d'impôt de 15% consentis aux fonds de travailleurs.

La raison? Les fonds de travailleurs auraient trop d'argent à investir! Cela expliquerait pourquoi ils investissent maintenant une partie de leur argent à l'extérieur du capital de risque des PME. Parenthèse: s'il est vrai que le Fonds a les coffres bien garnis, on ne peut tout de même pas en dire autant de Fondaction de la CSN, dont l'actif dépasse à peine le demi-milliard.

Michel Arsenault, président de la FTQ et du conseil d'administration du Fonds de solidarité, a accordé une entrevue à La Presse Affaires, de concert avec le PDG du Fonds de solidarité, Yvon Bolduc.

«Je trouve cela un peu désolant. C'est une étude qui n'est pas approfondie. À propos des crédits d'impôt, c'est prouvé hors de tout doute (selon une étude de la firme Secor) que le fédéral entre dans son argent en moins de trois ans et le provincial en moins de deux ans.»

«Nous, ajoute Yvon Bolduc, on pense que les crédits d'impôt ne sont pas une dépense pour les gouvernements mais plutôt un investissement qui a de multiples impacts. Un impact économique parce qu'on profite des épargnes que nos actionnaires nous transmettent. Avec 0,30$, nous levons 1$. Déjà là, les gouvernements bénéficient d'un effet multiplicateur. Ce dollar-là, nous le plaçons dans une entreprise, généralement avec d'autres financiers. Je peux vous dire que l'effet multiplicateur peut se rendre jusqu'à 17 fois dans certaines situations. Donc, c'est une manière assez ingénieuse et efficace d'investir les 0,30$ qui viennent des gouvernements. En plus, le gouvernement récupère ses sous, encourage l'épargne.»

Épargne

«Nous, renchérit M. Bolduc, on pense qu'on a une belle machine pour encourager l'épargne. C'est sûr que les crédits d'impôt incitent à l'épargne. Et en fin de compte, on se retrouve avec des travailleurs qui ne voient à peu près pas la déduction sur leurs payes. Ils ne s'en rendent pas compte. Puis au bout de 10, 15, 20 ans, ils ont un beau petit magot de côté qui va les aider à leur retraite. Qui va réduire leur fardeau pour les gouvernements.»

Il y a 25 ans, à peine 3% des 450 000 membres de la FTQ détenaient des REER. Aujourd'hui, le pourcentage atteint 60%.

Comme on sait, le Fonds FTQ est ouvert à tout le monde. D'ailleurs, les premiers actionnaires du Fonds n'avaient pas l'esprit syndical très développé.

«Il y a 25 ans, quand j'ai commencé à faire la promotion du Fonds, à Sept-Îles, les premiers à venir acheter des actions étaient les contrôleurs de compagnie, les gens qui faisaient des déclarations fiscales J'avais même un ami qui était directeur d'une caisse populaire et qui venait chercher ses REER du Fonds avec de l'argent comptant parce qu'il ne voulait pas que ses employés le sachent. On s'est dit: si c'est bon pour ces gens-là qui s'y connaissent en finance, ça doit être bon pour les travailleurs ordinaires.»

Le 13 mai dernier, le Fonds de la FTQ a accueilli le premier ministre Jean Charest dans le cadre d'une journée de formation pour les entreprises partenaires du fonds.

«Et M. Charest nous a dit que le Fonds de solidarité de la FTQ faisait maintenant partie de l'ADN des Québécois.»

Avis au premier ministre: Michel Arsenault a soigneusement rangé la vidéo de cette déclaration historique dans le coffre-fort de la FTQ.