Il y avait deux noms drôlement familiers dans le sauvetage «à la yankee» de la Banque CIBC.

Il y avait deux noms drôlement familiers dans le sauvetage «à la yankee» de la Banque CIBC.

Alors que les grandes banques américaines ont renfloué leurs coffres avec l'aide de sociétés financières du Proche-Orient et d'Asie -apparemment, seuls les princes arabes et les sociétés d'État de Chine et de Singapour ont des milliards à claquer-, la banque torontoise a aussi reçu les encouragements des partisans locaux.

Pourquoi la Caisse de dépôt et placement du Québec et l'assureur Manuvie ont-ils investi dans la Banque CIBC, l'éternelle délinquante de Bay Street? Apparemment, l'occasion était trop belle pour la laisser filer.

La Caisse et Manuvie ont pu mettre la main sur des actions de la banque à un prix d'aubaine, soit à 65,26$ pièce.

Le titre valait 71,31$ avant que la banque n'annonce son plan de renflouement de 2,75 milliards de dollars (à la fermeture des marchés vendredi), ce qui représente un rabais de 8,5%.

Ajoutez une réduction additionnelle de 4% pour une fumeuse «commission d'engagement» -c'est l'expression du communiqué, je ne l'invente pas-, et vous avez un escompte de 12,5%.

Une partie de cette remise s'est évanouie hier. La Bourse a pris ses jambes à son cou devant les radiations effrayantes assumées par Citigroup, première banque des États-Unis.

Avec la crise des prêts immobiliers à haut risque, la CIBC n'a rien d'un refuge, surtout que sa prochaine émission diluera ses actionnaires.

Il n'empêche que, malgré la retraite du titre de la CIBC, la Caisse et Manuvie conservent un gain sur papier de près de 11%. Dans l'état actuel des marchés boursiers, personne ne cracherait là-dessus.

Mais, de là à dire que c'est un bon investissement à long terme, c'est une toute autre histoire.

D'ailleurs, il est intéressant de noter qu'au cours des neuf premiers mois de 2007, la Caisse a liquidé les quatre cinquièmes de ses actions de la CIBC.

Au 30 septembre, elle n'en détenait plus que 203 000, d'après les informations les plus récentes de l'agence financière Bloomberg.

Toutes les aubaines en Bourse ne sont pas des occasions. Et cela s'applique parfaitement à la CIBC.

Cette banque reste méconnue au Québec, où elle est peu présente. Mais elle est une abonnée de la chronique financière de Toronto.

En effet, la CIBC a une longue feuille de route de bourdes qui lui ont valu sa réputation de gaffeuse récidiviste.

Et, malgré le remaniement récent de sa haute direction, il est loin d'être clair que la CIBC a toute la discipline voulue pour ne pas retomber dans le premier piège venu.

La CIBC est tristement célèbre pour avoir aidé le courtier en énergie Enron à maquiller ses résultats financiers. La banque a ainsi versé 2,4 milliards US uniquement pour régler à l'amiable les recours collectifs intentés contre elle.

Et puis il y a eu ses mésaventures aux États-Unis. Pour assouvir ses ambitions de gloire à Manhattan, la CIBC s'est payée en 1997 une banque d'affaires américaine.

Toutefois, même dans les meilleures années, cette banque n'affichait pas de profits reluisants. Elle avait aussi une propension extraordinaire à se mettre les pieds dans le plat.

À preuve son investissement dans une certaine firme de télécommunications appelée Global Crossing... Au final, la CIBC n'a jamais réussi à établir son nom dans la cour des grands.

C'est Gerry McCaughey, l'actuel président et chef de la direction de la banque, qui a écrit le dernier chapitre de cette histoire en annonçant la vente de la banque d'affaires en novembre.

Gerry McCaughey a justement été nommé à la tête de la CIBC à l'été de 2005 pour ramener l'institution financière dans le droit chemin. Une banque canadienne ne devrait pas jouer les cow-boys à Wall Street...

De toute évidence, toutefois, Gerry McCaughey n'a pas assimilé la notion de haut risque dans les prêts hypothécaires américains dits subprimes.

Même si John Hunkin a bon dos, il est difficile de blâmer son prédécesseur pour ce gâchis qui surpasse en gravité le fiasco Enron.

En effet, après avoir comptabilisé depuis août trois charges qui s'élèvent à tout près de 1 milliard de dollars, la Banque CIBC a confirmé lundi une nouvelle radiation de 2 milliards, pour un grand total de 3 milliards.

Et ce n'est peut-être pas terminé, a laissé savoir la banque, ce qui fait craindre le pire aux analystes financiers. On aura l'heure juste au dévoilement des prochains résultats, le 28 février.

Gerry McCaughey n'a pas perdu son job -qui a déjà vu un président de banque canadienne se faire montrer la porte? Mais il a remanié la haute direction il y a une semaine.

Or, s'il a renvoyé certains gestionnaires qui occupaient des postes névralgiques, comme Ken Kilgour, responsable de la gestion du risque, il en a conservé d'autres.

Ainsi, Tom Woods, ancien chef de la direction financière de la CIBC, la banque pour laquelle il travaille depuis 30 ans, a seulement été muté au poste de responsable du risque.

Pourtant, il était aux premières loges lorsque la CIBC s'est associée à Enron et a investi lourdement dans les prêts hypothécaires américains.

L'arrivée au conseil de l'ancien surintendant aux institutions financières Nick Le Pan -celui-là même qui vient de signer un rapport critique sur la façon par laquelle la GRC enquête sur les fraudeurs boursiers- est rassurante.

Mais comme le disent les anglophones, les vieilles habitudes ont la vie dure. C'est pourquoi l'agence de notation de crédit Moody's persiste à croire que les perspectives de la Banque CIBC sont sombres (negative outlook).

Dans ce contexte, difficile de croire que la Caisse ait eu une révélation et croit maintenant au grand potentiel de la CIBC.

Il est beaucoup plus plausible de penser que la Caisse, en investisseur opportuniste, ne fasse qu'une petite saucette dans les eaux troubles de la banque. Un petit tour et puis s'en va.