L'Inde, un autre mastodonte de la croissance mondiale, inquiète de plus en plus. La banque centrale a dû hausser brusquement les taux d'intérêt, la semaine dernière, pour contenir une inflation galopante. Le pessimisme gagne les entreprises et les investisseurs. Surtout, le déficit de l'État devient très préoccupant.

L'Inde, un autre mastodonte de la croissance mondiale, inquiète de plus en plus. La banque centrale a dû hausser brusquement les taux d'intérêt, la semaine dernière, pour contenir une inflation galopante. Le pessimisme gagne les entreprises et les investisseurs. Surtout, le déficit de l'État devient très préoccupant.

Le premier constructeur automobile indien, Tata Motors, s'est hissé au rang de vedette internationale, en janvier, en lançant la Nano - la voiture la moins chère au monde, à seulement 2500$US. Les images de la micro-bagnole, attendue sur le marché en octobre, ont fait le tour de la planète.

Le géant de Bombay a encore épaté la galerie, récemment, en achetant les marques mythiques Jaguar et Land Rover. Un autre coup d'éclat pour Tata, doublé cette fois d'une touche d'élégance de bon aloi.

Mais l'emblème du succès économique indien roule à son tour sur une route cahoteuse. Tata a annoncé mercredi que son bénéfice trimestriel avait fondu du tiers, la plus forte baisse en au moins cinq ans, et révisé à la baisse ses prévisions.

Les causes de cette contre-performance sont bien connues de milliers d'entrepreneurs ces jours-ci: des coûts de production en forte hausse et une demande en baisse. Mais, en Inde, ces problèmes universels risquent de plonger le pays dans la crise.

Inflation de 15%

L'Inde, qui dépend à 70% du pétrole importé, a pris de plein fouet la flambée du prix du brut.

Aussi, la hausse générale des prix a atteint 11,9% (sur un an) en juillet, un sommet en 13 ans. La banque HSBC prévoit même que l'inflation franchira la barre des 15% en octobre.

Prise de panique, la Banque centrale indienne a majoré son taux directeur la semaine dernière, de 0,5% à 9%. Un troisième tour de vis en deux mois. Elle a aussi haussé les réserves obligatoires des banques pour restreindre le crédit.

Les investisseurs l'ont mal pris. En témoigne le coup de déprime de la Bourse de Bombay, qui a chuté de près 5% en une journée. Depuis le début de 2008, la Bourse indienne accuse un recul de 28%.

Dans un tel contexte, la confiance des entreprises s'effrite, selon des sondages. Les experts ne leur donnent pas tort, ceux-ci tablant sur une croissance économique de 7 à 7,5% cette année, contre 9% l'an dernier et 9,6% en 2007.

Déficit dangereux

Mais ce qui dérange le plus dans le paysage indien, c'est le déficit budgétaire.

Selon Morgan Stanley, le déficit du pays (après les postes extraordinaires) atteindrait 11,4% du PIB (produit intérieur brut) pour l'exercice en cours. Cela se compare à 7,7% l'an dernier. Et c'est plus de trois fois le déficit toléré pour les pays qui adhèrent à l'euro.

Au coeur du problème, le fait que le gouvernement dépense sans compter. New Delhi, par exemple, envisage de hausser de 40% les salaires des 2,9 millions d'employés de l'État - un premier ajustement en 10 ans mais qui reste onéreux.

De plus, le gouvernement subventionne toujours les transformateurs pétroliers et les producteurs d'engrais afin de plafonner les prix de l'énergie et des aliments. On espère ainsi contenir la grogne populaire, qui éclate de plus en plus souvent.

Mais ces mesures coûtent cher et attisent l'inflation. Le déficit budgétaire met aussi en péril les efforts pour corriger un problème majeur en Inde: la vétusté des infrastructures.

Avec l'état des routes, un camionneur met une semaine pour parcourir les 2500 km qui séparent Calcutta de Bombay, selon des médias. Alors que le pays consacre 4,5% de son PIB à ses infrastructures (deux fois moins que la Chine), il faudrait doubler ce taux pour retrouver une croissance de 10% par an, comme le prévoit New Delhi.

Entre-temps, les milieux financiers ont perdu patience. L'agence de notation Fitch vient de réduire sa perspective sur la dette indienne - de "stable" à "négative" - en raison de la position budgétaire de l'État.

La note de crédit

La semaine dernière, Standard&Poor's a menacé d'abaisser la cote de l'Inde. Or, ce pays occupe déjà la dernière marche de la catégorie d'investissement. Une glissade, et les emprunts de l'État retrouveront le statut peu enviable d'obligations à haut risque (junk bonds), entraînant un exode de capitaux et un surcoût du financement pour le gouvernement.

Bref, le puissant éléphant indien vacille.

Le potentiel de l'Inde est énorme, certes. Mais ce pays fait toujours face à de sérieux problèmes, y compris le fait qu'un demi-milliard d'Indiens vivent avec moins de 2$ par jour. Vue sous cet angle, la conjoncture actuelle est inquiétante, voire explosive. Comme le dit un proverbe africain: quand l'éléphant trébuche, ce sont les fourmis qui en pâtissent.