Linda Greenberg s'est demandé cette semaine si son mari pourrait enfin se la couler douce. Après tout, Ian Greenberg n'a plus grand-chose à prouver.

Linda Greenberg s'est demandé cette semaine si son mari pourrait enfin se la couler douce. Après tout, Ian Greenberg n'a plus grand-chose à prouver.

L'acquisition de Standard Radio consacre la transformation d'Astral, cette ancienne chaîne de boutiques photos aux activités éparses, en leader de l'industrie des médias.

Mais l'administrateur d'Astral à qui Linda Greenberg faisait la remarque a rapidement dissipé ses rêveries. «Le problème, lui a-t-il dit, c'est que les affaires sont son seul hobby.»

À preuve, Ian Greenberg vient tout juste de se mettre au golf, à 64 ans. «Je ne sais pas si je réussirai jamais à sortir du terrain de pratique pour jouer une vraie partie. Mais je m'amuse!», dit le président et chef de la direction d'Astral, qui se réfugie tous les week-ends à sa maison des Cantons-de-l'Est.

Aussi est-il le seul membre du nouveau Club de golf Memphrémagog à ne pas être chagriné par le report de l'ouverture du terrain, endommagé par les intempéries. (Il se garde bien de le dire à son voisin Jean Monty, l'un des promoteurs de ce club sélect.)

La retraite ne fait pas partie du vocabulaire d'Ian Greenberg. Il ne songe qu'à intégrer Standard Radio et qu'à rembourser la dette qu'Astral devra contracter pour payer la famille Slaight. «En cinq ans, ce sera tout rendu», s'empresse de dire le dirigeant à qui l'on reproche parfois sa grande prudence financière.

Il ne s'agit pas de la transaction la plus prenante à laquelle Ian Greenberg ait participé. Il se remémore encore avec émotion l'investissement que sa famille avait fait dans First Choice, en 1983.

Peu de gens le savent, mais lui et ses trois frères avaient dû donner leurs actions personnelles en garantie pour obtenir du financement. Le service de télé payante a perdu une fortune pendant sa première année.

Et les Greenberg ont failli y laisser leur chemise. (Ce serait sans doute arrivé si la famille Bronfman ne s'était pas portée à leur rescousse.) Or, la télé payante d'Astral est aujourd'hui une machine à imprimer des profits.

Mais, à 1,08 milliard de dollars, l'acquisition de Standard Radio est sans conteste la plus importante jamais conclue par Astral. Et il n'est pas question pour Ian Greenberg de laisser le travail d'intégration au suivant.

Le sujet de sa succession le chiffonne d'ailleurs un peu, même si en bon administrateur d'entreprise publique, il se doit d'y penser. Aucun de ses trois enfants n'est intéressé par le poste, même si son fils Adam, spécialiste du montage de films, travaille chez Astral. Reste les six neveux travaillant pour l'ancienne entreprise familiale.

«Ce n'est pas parce qu'ils portent le nom Greenberg qu'ils auront le poste, prévient le grand patron d'Astral. Si personne n'est assez fort dans la famille, il est acquis que ce sera un gestionnaire professionnel.»

Mais, clairement, Ian Greenberg n'en est pas là. Il est en forme et rêve d'avoir autant de persévérance que le Torontois Ted Rogers, son inspiration en affaires.

À 73 ans, le grand patron de Rogers Communications est toujours en pleine possession de ses moyens. «Il m'épate parce qu'il est resté fidèle à sa vision, même dans les temps durs», raconte le grand patron d'Astral.

«Et vous n'entendrez jamais Ted Rogers se plaindre du cadre réglementaire au Canada, contrairement aux autres qui imputent tous leurs malheurs au CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes). Pas plus que vous n'entendrez Ted Rogers dire qu'il faut ouvrir l'industrie au capital étranger. Il accepte le système tel qu'il est et il vit avec.»

Que pense-t-il de l'achat d'Alliance Atlantis par CanWest Global Communications, avec les gros muscles financiers de la banque d'affaires Goldman Sachs? Ian Greenberg ne veut pas passer pour un mauvais perdant - Astral aurait bien aimé mettre la main sur le producteur et diffuseur télé.

Mais, clairement, il est mal à l'aise avec cette transaction qui, si elle est approuvée par le CRTC, permettra à la banque américaine d'acquérir 83 % du capital d'Alliance, même si le contrôle de l'entreprise relèverait en principe de CanWest.

La transaction respecte peut-être la loi qui limite la propriété étrangère des entreprises de communications, mais non son esprit. «Ce sera au CRTC de juger», se borne à dire Ian Greenberg.

La frustration d'Astral est d'autant plus compréhensible que les occasions d'achat se font rares dans l'industrie de la télé payante et spécialisée. Le même constat s'applique d'ailleurs au troisième secteur d'activité d'Astral, l'affichage public.

Astral est le numéro trois au Canada derrière CBS (ex-Viacom) et le Jim Pattison Group. C'est contraire aux principes de Jack Welch, l'autre maître à penser d'Ian Greenberg, selon qui il vaut mieux se retirer si on ne peut être le premier ou le deuxième acteur en importance sur un marché.

L'ennui, c'est que personne ne veut vendre, du moins pour l'instant. «Nous devrons être patients.»

Si Astral ne peut plus rien acheter en radio, en télé et en affichage, d'où viendra la croissance à l'avenir? «Nous devons faire croître nos médias sur les nouvelles plateformes de diffusion comme le sans-fil. C'est le plus gros défi auquel Astral fait face. Nous n'avons pas encore trouvé comment nous y prendre, mais personne d'autre non plus», dit Ian Greenberg, tout à sa réflexion.

N'en déplaise à Linda Greenberg, la dolce vita n'est pas pour demain.