La nouvelle est tombée brutalement, hier: pour les deux premiers mois de l'exercice financier courant (c'est-à-dire avril et mai), le gouvernement fédéral a enregistré un déficit de 517 millions. Ce chiffre semble d'autant plus angoissant que, pour la même période l'an dernier, les résultats du gouvernement faisaient état d'un surplus de 2,8 milliards.

La nouvelle est tombée brutalement, hier: pour les deux premiers mois de l'exercice financier courant (c'est-à-dire avril et mai), le gouvernement fédéral a enregistré un déficit de 517 millions. Ce chiffre semble d'autant plus angoissant que, pour la même période l'an dernier, les résultats du gouvernement faisaient état d'un surplus de 2,8 milliards.

Les Canadiens ne se souviennent que trop bien des sacrifices qu'ils ont dû consentir pour mettre fin au cercle vicieux des déficits et de l'endettement: les contribuables ont été écrasés, les provinces affamées, les services publics charcutés. Et depuis qu'on est enfin venu à bout du cancer, il y a 10 ans, tous les ministres des Finances ont scrupuleusement évité de retomber dans le rouge.

Est-ce à dire que, sous le gouvernement Harper, pour la première fois depuis 1997, le Canada renouera avec la détestable habitude de vivre au-dessus de ses moyens?

La réponse est non.

Il y a toutes les chances pour que l'exercice qui prendra fin le 31 mars 2009 se termine par un surplus. Pas aussi important que ceux, énormes, des dernières années, mais surplus quand même. Ce n'est pas une surprise pour ceux qui suivent les finances fédérales de près: il y a au moins un an que l'on sait que, sous la pression combinée des baisses d'impôts et des augmentations de dépenses, l'ère des plantureux surplus à Ottawa est finie.

Mais de là à prévoir un déficit, il y a un pas qu'il faut se garder de franchir.

En matière de finances publiques, il est hautement téméraire d'émettre des projections à partir des résultats d'un seul trimestre, à plus forte raison d'un mois ou deux. Ainsi, un calcul facile pourrait nous faire croire que, si Ottawa accuse un déficit de 517 millions en deux mois, l'année se soldera par un déficit de 3,1 milliards. Mais cette projection est fallacieuse parce qu'elle ne tient pas compte d'une donnée fondamentale: les résultats financiers du gouvernement sont sujets à de fortes fluctuations mensuelles dues à une foule de facteurs (conjoncture économique, taux d'intérêt, calendrier des paiements et des remboursements d'impôts, dépenses ou recettes imprévues).

Par exemple, il y a eu déficit de 864 millions en avril et surplus de 347 millions en mai, d'où le déficit de 517 millions en deux mois. Apprécions l'ampleur du mouvement.

De plus, la Revue financière du ministère des Finances (d'où proviennent les chiffres publiés hier) rappelle avec raison que ces deux mois ne sont aucunement représentatifs de l'ensemble de l'exercice. Contrairement aux budgets ou aux mises à jour économiques, qui sont des documents contenant à la fois un volet financier et un volet politique, la Revue financière est une publication technique qui permet de suivre de mois en mois les résultats du gouvernement. Elle n'a aucun contenu politique, et ses commentaires sont hautement crédibles.

Il y a autre chose.

Les chiffres de la Revue financière mesurent les revenus et les dépenses du gouvernement tels qu'observés par le ministère des Finances. Elle nous présente donc un portrait fidèle de la réalité pour une période donnée. Évidemment, elle ne comptabilise pas les entrées d'argent tant qu'elles ne sont pas effectivement dans les coffres de l'État.

Or, tout le monde sait qu'Industrie Canada retirera près de 4,3 milliards de la vente des fréquences de téléphonie sans fil. C'est presque trois fois plus que les prévisions originales d'Industrie Canada. Déjà, on sait que les trois géants du secteur, Bell, Rogers et Telus, ont offert 2,6 milliards. Et c'est sans compter Vidéotron, Shaw Communications et tous les autres. Cette manne providentielle s'ajoutera aux autres revenus du gouvernement.

On pourrait croire, enfin, que les baisses d'impôts sont les principales responsables du déficit de début d'année. La TPS, en effet, n'a rapporté que 3,7 milliards en avril-mai 2008, comparativement à 4,7 milliards pour la même période l'an dernier. Autrement dit, sans la baisse d'un point de pourcentage entrée en vigueur le 1er janvier, on ne parlerait pas d'un déficit de 517 millions, mais d'un surplus d'environ 440 millions.

Par contre, les recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers ont augmenté de 114 millions. En tout, les revenus combinés du gouvernement ont reculé de 4,1%. Or, il faut savoir que, pendant la même période, les dépenses ont augmenté de 7%, presque deux fois plus vite que les revenus. Les principaux «coupables» sont les transferts aux provinces (hausse de 12%), et la guerre en Afghanistan (hausse de 14% du budget de la défense).