Fermetures, faillites, mises à pied. Les mauvaises nouvelles pleuvent sur l'industrie canadienne du vêtement. Il n'y a aucun doute que ce secteur de l'économie a été incapable de s'adapter à la concurrence internationale, et la crise qu'il traverse depuis quelques années prend des allures de véritable effondrement.

Fermetures, faillites, mises à pied. Les mauvaises nouvelles pleuvent sur l'industrie canadienne du vêtement. Il n'y a aucun doute que ce secteur de l'économie a été incapable de s'adapter à la concurrence internationale, et la crise qu'il traverse depuis quelques années prend des allures de véritable effondrement.

C'est ce qu'indique un étude parue dans la dernière livraison de L'Observateur économique canadien, une publication spécialisée de Statistique Canada. L'économiste Diana Wyman, auteur de l'étude, trace un portrait solidement étoffé de l'industrie du vêtement; on y voit clairement comment elle a été massacrée par la concurrence de la Chine, mais aussi d'autre pays comme le Bangaldesh (1).

C'est évidemment sur le front de l'emploi que la crise frappe le plus durement, et le plus brusquement. Le choc a été d'autant plus cruel que l'industrie canadienne du vêtement, dans un premier temps, s'est plutôt bien adaptée aux défis de la mondialisation.

La signature du traité de libre-échange avec les États-Unis lui a donné un accès facile et direct au plus riche marché de la planète. Dans la décennie qui suivra la signature du traité, les exportations de vêtements canadiens au sud de la frontière vont décupler, pour atteindre un sommet de 2,7 milliards en 2000.

Cette explosion va entraîner la création de 20 000 emplois entre 1990 et 2001. Cette année-là, près de 94 500 Canadiens détenaient un emploi dans ce secteur, massivement concentré au Québec: 57% de ces emplois étaient détenus par des travailleurs québécois.

En 1994, le Mexique a adhéré à son tour au traité de libre-échange. Plusieurs observateurs, notamment dans les milieux syndicaux, croyaient que cela entraînerait l'asphyxie de l'industrie canadienne du vêtement.

La suite des choses allait montrer que les Mexicains n'étaient pas équipés pour péter le feu dans ce secteur, et les fabricants canadiens ont continué à surfer allégrement sur le marché américain.

En 2001, donc, le Canada pensait avoir de bonnes raisons de voir l'avenir avec des lunettes roses.

Puis est survenue la dégringolade, à un rythme extrêmement rapide. Une série d'événements vont porter autant de coups durs au vêtement canadien.

L'expiration de l'accord multifibres pulvérise la protection dont profitaient les fabricants canadiens; l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce lui permet non seulement de concurrencer le Canada sur son principal marché d'exportation, les États-Unis, mais aussi sur son propre territoire; la brusque remontée du dollar canadien gonfle les prix des vêtements exportés aux États-Unis; enfin, à partir de 2003, certains pays pauvres, dont le Bangladesh, obtiennent un accès non contingenté et exempt de droits de douane au marché canadien.

L'industrie du vêtement n'était absolument pas préparée à absorber tous ces chocs, et ce qui devait arriver arriva. Au plus fort de la crise, entre 2002 et 2005, la valeur des exportations de vêtements aux États-Unis passent de 2,5 à 1,7 milliard. Pendant la même période, les produits chinois inondent le Canada.

Il y a 10 ans, la Chine figurait comme un acteur marginal sur le marché canadien du vêtement. En 2005, elle occupait 31 % du marché, talonnant de près les producteurs canadiens, qui ne tenaient plus que 32 % de leur propre marché. Au rythme où les choses évoluent, il est hautement probable que les Chinois ont dépassé les Canadiens quelque part en 2006.

Comme il fallait s'y attendre, les répercussions sur l'emploi ont été épouvantables. Entre 2002 et 2005, l'industrie du vêtement supprimera 34 000 emplois, dont 24 500 au Québec.

Aujourd'hui, ce secteur ne compte plus que 60 000 travailleurs (dont 33 000 au Québec), un plancher historique. La situation est d'autant plus triste que le plupart des employés congédiés peuvent difficilement trouver un emploi ailleurs.

Si la débâcle de l'industrie canadienne du vêtement a fauché des milliers d'emplois, elle comporte aussi un volet moins sombre : les consommateurs y ont gagné au change puisque non seulement les prix des vêtements ont cessé d'augmenter, mais ils diminuent.

Ainsi, entre 1990 et 1999, lorsque l'industrie profitait encore de la protection des tarifs douaniers et autres barrières non tarifaires, les Canadiens ont vu le prix de leurs vêtements augmenter de 20 %. À partir de 2002, avec l'entrée en scène de la Chine, les prix se sont mis à reculer. En 2005, les vêtements au Canada coûtaient en moyenne 6 % de moins que quatre ans plus tôt.

Si le secteur du vêtement n'a pas bien réussi, il en va autrement ailleurs. L'économie continue de tourner, certaines entreprises disparaissent, d'autres apparaissent, le commerce continue de prendre de l'expansion. Depuis la signature du traité de libre-échange, les exportations canadiennes aux États-Unis sont passés de 96 à 352 milliards; le surplus commercial du Canada à l'égard de son voisin américain est passé de 18 à 102 milliards.

Cette explosion a contribué à maintenir ou à créer des centaines de milliers d'emplois de ce côté-ci de la frontière. Pendant la même période, l'économie canadienne a créé 4,4 millions d'emplois, dont la majorité à temps plein. Le taux de chômage est passé de 8,8 % à 6,5 %. Le Québec aussi a profité de la manne, en créant 1,2 million d'emplois, pendant que son taux de chômage passait de 10,3 à 8,2 %.

Sans aucun doute, la libéralisation des échanges a contribué au massacre de l'industrie canadienne du vêtement, et le Québec figure en tête de liste des victimes. Cependant, même à son sommet de 2001, cette industrie ne représentait que 0,9 % des exportations canadiennes. Pour des millions d'autres travailleurs dans d'autres secteurs, la libéralisation du commerce a largement contribué à créer des emplois et de la prospérité.

(1) Pour télécharger gratuitement le document, taper www.statcan.ca/francais/freepub/11-010-XIB/11-010-XIB2006012.pdf