Les industries manufacturières du Québec devront attendre à vendredi matin avant de voir la couleur de la bouée de sauvetage que leur lancera le ministre du Développement économique, Raymond Bachand.

Les industries manufacturières du Québec devront attendre à vendredi matin avant de voir la couleur de la bouée de sauvetage que leur lancera le ministre du Développement économique, Raymond Bachand.

La situation n'est pas aussi dramatique -pour ne pas dire hystérique- que la semaine dernière, lorsque le dollar canadien a brièvement dépassé la barre des 110 cents américains.

Mercredi, le huard ne valait plus que 101 cents US et des poussières. Une sacrée différence pour les entreprises exportatrices, qui peuvent souffler un peu.

En plus, le gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, vient d'ouvrir la porte à une baisse du taux directeur qui semblait exclue il y a quelques jours à peine.

En voyage en Afrique du Sud, il s'est inquiété de l'instabilité financière qui perdure. Cette remarque couplée à la baisse de l'inflation au Canada en octobre ravive les espoirs d'une réduction de taux dès la prochaine annonce, le 4 décembre.

Or, en plus de plomber le huard, une telle baisse diminuerait les coûts d'emprunt des entreprises. C'est fou comme la perspective peut changer en une toute petite semaine!

Mais il faut bien voir qu'il s'agit seulement d'une éclaircie. De désespéré, le Québec manufacturier revient à son état de très amoché... Les nuages noirs s'amoncellent encore à l'horizon, surtout aux États-Unis, où se destinent plus de 80% de nos exportations.

Les derniers résultats de Freddie Mac, société qui finance indirectement une maison sur six aux États-Unis, sont d'ailleurs révélateurs. Commanditée par le gouvernement américain, cette entreprise à capital ouvert est considérée comme le filet de sécurité du financement immobilier.

Or, même Freddie Mac n'est pas immunisée contre la crise des prêts hypothécaires à haut risque. La société vient de déclarer une perte de 2 milliards US.

Surtout, elle n'est plus certaine de disposer d'assez de liquidités pour respecter ses obligations contractuelles.

Ainsi, ni la réduction des taux d'intérêt au Canada, ni la relative stabilisation de la valeur du dollar canadien par rapport au billet vert ne redonneront de l'élan à l'économie américaine.

Pour que le Québec manufacturier s'en sorte, il faut que les Américains recommencent à acheter des produits fabriqués ici. Et que les entreprises québécoises tiennent le coup d'ici là.

Dans le contexte, que peut faire le gouvernement du Québec? Il n'y a pas de réponse toute simple. Prenez le cas de Shermag, et le premier ministre du Québec, Jean Charest, qui doit participer à l'annonce de vendredi, doit l'avoir bien en tête, lui qui vient des Cantons-de-l'Est.

À Sherbrooke, sa circonscription, le fabricant de meubles dirigé pendant 24 ans par Serge Racine était «le» success story de la région. À la fin des années 90, imaginez, Shermag rêvait même d'exporter ses meubles en Asie!

L'histoire, on le sait, ne s'est pas exactement passée ainsi... Et pourtant, sous la direction de Jeffrey Casselman, qui a pris le relais de Serge Racine en 2001, Shermag a fait tout ce que les spécialistes recommandent pour faire face à la formidable montée de la Chine.

Rien à voir avec les usines textiles de Huntingdon qui ont attendu les bras croisés que le ciel leur tombe sur la tête...

Shermag a délocalisé en Chine la production de certaines collections. L'entreprise s'est concentrée sur la fabrication rapide et sur mesure. Elle a réorganisé la production et comprimé les coûts. Ainsi, la taille de l'entreprise a été réduite de moitié, à huit usines et 1100 employés.

Admettons qu'il y a eu des problèmes d'exécution. Les syndicats se sont opposés avec force à la réorganisation du travail qui avait pourtant pour but d'assurer la survie de l'entreprise. Ils ont fait preuve de rigidité, alors que le sur mesure exige de la souplesse.

Shermag a aussi connu des problèmes avec ses fournisseurs chinois. Ses commandes étaient trop petites pour qu'elle puisse avoir un bon rapport de force avec eux, et la qualité de ses produits en a souffert.

La direction n'était pas non plus sans tort. La décision de déménager le centre de distribution à Lachine était douteuse. À la place, Shermag aurait pu investir plus dans de la machinerie de pointe.

Et comme l'affirme avec justesse l'actionnaire activiste George Armoyan, qui vient de montrer la porte à Casselman, Shermag a un peu négligé le marché canadien, qui se porte actuellement fort bien.

Malgré tout, Shermag trimait pour se réincarner. Et aujourd'hui, elle se trouve au bord de l'abîme, menacée de liquidation, selon certains analystes financiers. Armoyan réussira-t-il là où Casselman a échoué, à supposer qu'il essaie vraiment de relancer Shermag?

C'est malheureusement ce que les anglophones appelle un «long shot».

Dans les circonstances, que peut proposer le gouvernement du Québec pour sauver les meubles, comme on dit? Quelle bouée?

Accélérer l'élimination de la taxe sur le capital pour les entreprises manufacturières? Pas évident vu l'état des finances publiques. Acheter local plutôt qu'au plus bas prix, comme l'annonçait mercredi La Presse Canadienne?

Cela va en prendre des tables pour les salles de conférence! Et à quel prix?

Faciliter le financement des entreprises qui rachètent et consolident les PME en difficulté? C'est déjà une meilleure piste. Mais il faudra accepter une réalité bien, bien triste. Toutes les entreprises et tous les villages du Québec ne pourront être sauvés.