Imaginez un monde où le Canada poursuivrait son expansion économique, retournerait davantage d'argent dans les poches des contribuables, tout en réduisant radicalement ses émissions de gaz à effet de serre.

Trop beau pour être vrai? Pas du tout, répond la firme de recherche de grande réputation MK Jaccard and Associates, qui soutient, chiffres à l'appui, que le pays peut faire tout ça à la fois, à condition qu'il se dote rapidement de solides politiques gouvernementales.

 

Commandée par l'Institut Pembina et la Fondation Suzuki, l'étude Réductions marquées, croissance solide, dévoilée à la Conférence sur le climat de Poznan, est la toute première à conclure que le Canada a les moyens de réduire ses émissions de 25% d'ici 2020, sous leur niveau de 1990.

Le gouvernement Harper rejette cette cible qu'il juge inatteignable, même si elle est recommandée par le GIEC, le groupe d'experts climatiques rattaché à l'ONU.

Le rapport de MK Jaccard - firme fondée par le professeur canadien d'économie environnementale Mark Jaccard, qui n'a pas personnellement participé à l'étude - conclut que pour y arriver, Ottawa doit avoir le courage de fixer un prix «considérable» sur les émissions carboniques: 50$ la tonne en 2010, puis 200$ en 2020.

«C'est vrai que cette tarification est assez élevée, mais il serait faux de croire que cet argent serait perdu, fait remarquer Matthew Bramley, de l'Institut Pembina. Dans notre scénario, une majorité de cet argent (quelque 90 milliards par année) est retournée aux particuliers sous forme de baisses d'impôt.»

Quel est le but, donc? Forcer les entreprises à revoir leurs façons de faire, à réduire leur facture liée aux émissions carboniques, à se tourner vers des technologies vertes. Permettre aussi au gouvernement de dégager de l'argent pour accélérer ce virage vers des infrastructures «propres», comme la captation du carbone, par exemple.

Évidemment, un tel scénario soulève maintes interrogations en cette période économique trouble, mais les chercheurs assurent que l'effet d'une taxe sur le carbone serait très faible.

Au cours de la prochaine décennie, dans un scénario de statu quo, le Canada connaîtrait une croissance économique de l'ordre de 22%. Et avec la taxe sur le carbone? La hausse serait de 19,3%.

«La taxe sur le carbone mènerait à un transfert d'activités et d'investissements d'un secteur à l'autre, mais ne représenterait pas de pertes comme telles», explique M. Bramley.

Pragmatiques, les chercheurs de MK Associates ont prévu une croissance importante de la production pétrolière issue des sables bitumineux dans leur scénario, quoique moins soutenue, il est vrai, que ce qui est actuellement prévu.

Cela dit, la taxe sur le carbone ne pourrait à elle seule permettre les réductions anticipées d'émissions. Il faudrait ajouter à cet outil fiscal un cocktail de mesures allant de l'amélioration de l'efficacité énergétique des véhicules à l'augmentation de la production d'énergie renouvelable, en passant par l'achat de droits internationaux de polluer.

Interrogé par La Presse sur les conclusions de cette étude, le chef de la délégation canadienne à Poznan, Michael Martin, a indiqué que «toutes les études qui contribuent aux discussions sont les bienvenues». Mais du même souffle, il a rejeté la cible de 25%, notant que le Canada avait déjà son propre objectif: 20% d'ici 2020.

Le problème, c'est que l'écart entre les deux cibles est considérable, contrairement aux apparences. La cible du GIEC est basée sur les émissions de 1990, année de référence de Kyoto, tandis que celle du Canada est basée sur les émissions de 2006. Converti aux normes internationales, l'objectif de réduction du Canada est réellement de 3% d'ici 2020, sous le niveau de 1990.