La ministre des Transports le répète, la sécurité est prioritaire dans le dossier de l'échangeur Turcot. La structure géante est l'objet d'une surveillance constante et on ne fera aucun compromis qui pourrait menacer la sécurité des automobilistes.

On comprend la ministre Julie Boulet de vouloir rassurer la population. On devine également que le gouvernement n'a pas l'intention de laisser traîner le dossier.

 

Cet empressement est compréhensible et souhaitable. C'est sans doute la seule conséquence positive de l'effondrement du viaduc de la Concorde: on ne badine plus avec l'état des infrastructures au Québec.

Cela dit, il ne faut pas que cette urgence d'agir compromette d'autres aspects importants de ce projet majeur pour Montréal.

Plusieurs groupes, dont le Regroupement économique et social du Sud-Ouest (RESO), ont souligné avec raison l'importance de garder une vue d'ensemble sur les chantiers qui pourraient voir le jour au cours des prochaines années dans cette partie de Montréal. Va-t-on reconstruire le pont Champlain? Y aura-t-il enfin une navette ferroviaire reliant l'aéroport au centre-ville? Si oui, il faut en tenir compte dans la conception du futur échangeur.

La question du transport collectif doit également être considérée. Faut-il réserver une voie aux autobus? Y a-t-il des interventions possibles pour mieux réguler le volume de circulation? Lors de la dernière campagne électorale, le maire Tremblay s'était engagé à réduire la dépendance à l'auto à Montréal. Cette promesse sera-t-elle respectée dans la conception du futur échangeur?

De la mairie au Ministère en passant par la firme d'ingénieurs qui héritera du contrat, tout le monde a le devoir de construire une infrastructure plus «verte» que l'échangeur actuel.

Pour l'instant, on sait qu'il sera construit sur des monticules plutôt que sur piliers. Pour le reste, le projet s'annonce comme une copie carbone du Turcot qu'on connaît.

Si c'est le cas, c'est une erreur. Le prochain échangeur doit non seulement être plus vert, il doit également être plus beau. Ou moins laid, c'est selon.

À cause de son statut de ville UNESCO de design, Montréal a une responsabilité: veiller à la qualité du design sur son territoire.

Ce souci du design ne doit pas se refléter exclusivement dans les restaurants à la mode du Plateau Mont-Royal. Montréal doit se soucier de design jusque dans la conception de ses lampadaires et de ses poubelles...

Pourquoi ne pas faire du futur Turcot un modèle d'infrastructure du XXIe siècle? Un signe distinctif de notre métropole? Après tout, quand on arrive des États-Unis (par le pont Champlain) ou de l'aéroport (par l'autoroute 20), l'échangeur est une des portes d'entrée de la ville.

Ce souci du design n'est pas qu'esthétique. Il aurait également un impact dans les communautés traversées par l'échangeur. On l'oublie trop souvent, cette structure de béton fait partie du quotidien de plusieurs Montréalais. Si les automobilistes ont droit à une autoroute agréable et sûre, les résidants qui vivent dans l'ombre de Turcot ont droit, eux aussi, à une qualité de vie acceptable.

La Ville de Montréal ne s'est pas encore prononcée à propos de l'échangeur. Elle doit faire connaître la liste de ses demandes cette semaine au ministère des Transports.

Espérons que le vert et le beau seront au nombre de ses exigences.

Nous sommes devant une chance unique d'embellir Montréal dans une perspective de développement durable. Ne ratons pas une si belle occasion.

nathalie.collard@lapresse.ca