Le pauvre George Gillett doit savourer chaque minute qu'il passe à Montréal. Les succès du Canadien y ont rendu le propriétaire de l'équipe infiniment plus populaire qu'en Angleterre, où les rumeurs de son désengagement prochain de Liverpool continuent de faire les manchettes.

Le Times de Londres rapportait hier que Gillett et son partenaire Tom Hicks, le propriétaire des Stars de Dallas et des Rangers du Texas, auraient donné le mandat à la banque d'investissement Merrill Lynch de trouver un acheteur pour leur club (une information niée par un porte-parole de Hicks).

 

De son côté, le Daily Telegraph soutient que les copropriétaires ont l'intention d'utiliser un peu plus de la moitié des profits anticipés de 80 millions de dollars du club, cette année, afin de payer les intérêts sur la dette encourue lors de l'achat de l'équipe, il y a près de trois ans.

Rien pour rassurer les fans des Reds, déjà échaudés en août par le report à une date indéfinie d'un projet de stade pour remplacer le vieil amphithéâtre de 45 000 places d'Anfield.

Avec la crise du crédit actuelle, ce projet de construction chiffré à 800 millions, qui permettrait à Liverpool de lutter à armes égales avec des rivaux tels Manchester United et Arsenal, est impossible à financer pour l'instant - au même titre que des dizaines d'autres projets immobiliers majeurs, font valoir les propriétaires.

Les nombreux critiques de Hicks et Gillett estiment plutôt que c'est le surendettement du club de Liverpool et de sa société mère, Kop Investment, détenue à parts égales par les deux hommes, qui freine les banques. L'an dernier, les partenaires ont refinancé à hauteur de 700 millions la dette encourue à l'achat du club, en 2006. Cet emprunt doit être renégocié à la fin janvier, ou au plus tard en juillet 2009, si le duo exerce son option en ce sens.

Un tel niveau d'endettement fait craindre le pire aux partisans de Liverpool, même si leur club, deuxième derrière Chelsea au classement de la Premier League, se porte très bien sur le plan sportif et a été actif cet été sur le marché des transferts, déboursant notamment près de 40 millions pour mettre la main sur l'attaquant Robbie Keane, de Tottenham.

Des profits

Que penser de tout ça? Un, la nouvelle du Telegraph confirme indirectement ce qu'une source au fait du dossier m'a confié récemment, à savoir que Liverpool, loin d'être déficitaire, engrange des profits croissants depuis la prise de contrôle par le tandem Hicks-Gillett. Le contraire aurait été surprenant, compte tenu du riche contrat de télé de la Premier League et des bons résultats de Liverpool dans la non moins lucrative Ligue des champions.

Deux, l'existence de profits ne satisfera pas les partisans s'ils servent en tout ou en partie à payer les dettes de Hicks et Gillett. Les fans de Liverpool, comme ceux des autres clubs anglais, aiment bien revendiquer l'attachement organique du club à leur communauté. Mais au fond, ils rêvent d'une seule chose: un «sugar daddy» qui va leur acheter un championnat en réinvestissant chaque livre sterling de profit dans le club. Et qui va ajouter quelques dizaines de millions de sa poche pour faire bonne mesure.

Trois, que Merrill Lynch ait reçu ou non récemment le mandat de chercher un acheteur, Gillett et Hicks étudieraient sans doute attentivement toute offre de rachat un tant soit peu alléchante qui leur serait présentée. La cote de popularité des propriétaires de Liverpool frôle le zéro absolu, ce qui soulève des doutes sur la viabilité à long terme de leur engagement au pays de Steven Gerrard. Vient un moment où il faut accepter qu'on n'est pas le bienvenu... surtout si les finances sont serrées.

Le sont-elles autant que les journaux anglais le donnent à penser? Seuls Gillett et Hicks le savent vraiment. Et ils ne parlent pas publiquement. Mais dans le contexte financier actuel, les banques ne feront pas de cadeau aux deux hommes d'affaires quand viendra, bientôt, le temps de renégocier leur emprunt. Il ne faudrait pas se surprendre de voir l'émirat de Dubaï, qui continue d'attendre en coulisses, se pointer le bout du nez à minuit moins une, quand la pression sera à son comble.