La vie de boxeur est parfois monotone... Librado Andrade, le prochain adversaire de Lucian Bute (championnat mondial IBF des super-moyens, le 24 octobre au Centre Bell), s'entraîne tous les jours dans un gymnase de Dollard-des-Ormeaux, il loge dans un petit appartement tout près, loin de sa femme et de ses enfants, dans une ville où il ne connaît à peu près personne...

«On s'habitue. Pour passer le temps, j'aime écrire de la poésie. Je ne suis pas un grand artiste, mais ça me plaît. Si je n'avais pas été boxeur, j'aurais aimé étudier la littérature. Mais j'ai détesté chaque journée passée à l'école...»

Andrade et Bute ont quelque chose en commun: quand ils descendent de l'arène, ils se transforment et on a l'impression de parler à un prof ou à un travailleur social plutôt qu'à un homme dur qui gagne sa vie avec ses poings.

Les deux ont d'ailleurs participé à une tournée de promotion qui les a menés à Trois-Rivières, Sherbrooke, Rimouski... «C'était sympathique. Deux immigrés, un Roumain et un Mexicain, en tournée en province. Je me suis aperçu que les gens ont adopté Lucian comme un des leurs. C'était beau. On s'est bien entendus tous les deux...» Au point où Bute a dû préciser que leur amitié serait suspendue le temps d'un combat de boxe.

La grande aventure

Librado Andrade vit maintenant à Las Vegas. Nous l'avons rencontré une première fois quand il a mis fin à la carrière d'Otis Grant au Casino de Montréal. Aujourd'hui, Howard Grant, le frère, lui sert d'hôte et d'entraîneur à Montréal. Howard sera l'homme de coin d'Andrade le 24 octobre.

«Les frères Grant sont mes amis. Ma victoire contre Otis m'a permis de passer à un autre niveau, le niveau élite. C'était mon premier combat important. J'étais un petit boxeur de club, mais plus maintenant. Je me bats pour le championnat du monde et ce que je vis depuis trois ans est une belle et grande expérience. Quoi qu'il arrive.

«Il n'y a pas de meilleur feeling que d'être dans une arène, dans un bon combat, devant 20 000 personnes qui s'excitent. Je suis choyé de connaître ça. Bien sûr, l'argent est intéressant, mais ça ne vaut pas l'expérience...

«Je viens de très loin. Je n'ai pas les meilleures aptitudes, mais j'ai beaucoup de coeur. Je boxe avec mon coeur et je m'offre en spectacle pour le plaisir de la foule. Je veux que tout le monde soit content de sa soirée, quoi qu'il arrive.

«Avant, ma vie était un peu ennuyante. J'allais travailler, j'étais près de ma famille, de ma mère surtout.

«Je n'ai jamais été un mauvais garçon. Quand j'étais jeune, mes amis me proposaient d'aller boire et fumer de la marijuana. Ça me tentait, mais je me disais que s'il m'arrivait des conneries, ma mère aurait trop de peine. Elle ne mérite pas ça. Elle a tout fait pour nous. Émigrer du Mexique avec sept enfants (Librado est l'avant-dernier) n'était pas facile à l'époque.

«Un jour, je me suis blessé en jouant au basketball à l'école. C'était à Los Angeles. J'ai supplié les professeurs de ne pas téléphoner à ma mère pour ne pas l'inquiéter. Ils lui ont téléphoné quand même. Elle ne conduit pas, elle ne connaissait pas les autobus, alors elle a couru les huit milles jusqu'à l'école en pleurant. J'étais furieux contre les professeurs. Lui faire tout ça pour rien...

«Je vis à Las Vegas et je ne suis pas un joueur. Je ne vais jamais dans les casinos ni dans les bars. Quand j'ai gagné un peu d'argent en boxe, j'ai acheté une maison à Las Vegas parce que ce n'était pas cher à l'époque. J'allais rejoindre trois de mes soeurs et ma mère est maintenant avec nous. Il faut tout avoir à la maison et ne pas sortir. J'ai une fille de neuf ans et un fils de cinq ans...»

Notre père de famille de 30 ans se trouve à la porte de la gloire et de la fortune. Une victoire contre Lucian Bute et ça y est...

Les choses sérieuses

Après sa victoire contre Otis Grant, Andrade a été battu par décision par le Danois Mikkel Kessler, le dernier adversaire d'Éric Lucas. Andrade a encaissé les meilleurs coups de son adversaire, et plusieurs, sans tomber. «Kessler est une bonne personne lui aussi. Je suis allé le visiter après et il était tellement content de me voir... Rencontrer des gens comme lui et Bute, Otis et Howard Grant, fait partie des beaux côtés de mon aventure...»

Librado Andrade se décrit comme boxeur: «Je n'ai pas un coup de poing très fort, mais je frappe souvent. Je mets de la pression sur mon adversaire, je finis par l'user, l'épuiser.»

En fait, Andrade ne connaît qu'une direction: vers l'avant. Il est très bon encaisseur et très agressif, à la mexicaine. Son plan de match: ne donner aucun répit à l'homme en face de lui.

Son adversaire, vous le connaissez, c'est d'abord l'agilité, la technique, la vitesse des mains.

«Ce sera un combat classique», dit Librado Andrade.

En effet.