Bateaux pneumatiques, radeaux de bois, rafiots à coque de fer : pour traverser la mer Méditerranée, des migrants et des demandeurs d’asile s’entassent dans des embarcations précaires. Avec le risque – maintes fois avéré – de noyade.

« Il n’y a aucune de ces embarcations qui est faite pour la haute mer, explique Daniel Auerbacher, responsable des opérations de l’organisme SOS Méditerranée, joint en France. Ils n’ont pas les instruments de navigation adéquats, ils n’ont pas suffisamment de nourriture, d’eau, d’essence et d’équipements. »

Depuis près de 10 ans, des organismes humanitaires comme SOS Méditerranée interviennent pour porter secours en mer aux hommes, femmes et enfants qui tentent la traversée.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Crise migratoire

L’afflux vers l’Europe est devenu particulièrement aigu en 2015, lorsque plus de 1 million de migrants arrivés irrégulièrement et de réfugiés ont gagné le sol européen en une année, selon l’Organisation internationale pour les migrations, une branche des Nations unies.

Les images du corps du petit Alan Kurdi, trouvé mort à 3 ans sur une plage turque après avoir fui la Syrie, ont bouleversé l’opinion publique et attiré l’attention sur les risques élevés de ces périples.

PHOTO NILUFER DEMIR, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le petit Alan Kurdi, trouvé mort à 3 ans sur une plage turque après avoir fui la Syrie en 2015

L’Union européenne a renforcé sa collaboration avec la Libye pour enrayer les dangereuses traversées irrégulières à partir des côtes libyennes vers l’Italie et endiguer le flux migratoire.

Mais les pratiques libyennes inquiètent les organismes humanitaires.

« Ce qui est ahurissant pour nous tous qui travaillons dans ce contexte est le niveau de souffrance que nous voyons en mer, les morts, mais aussi la violence vécue en Libye que nous confient les gens, souligne Jana Ciernioch, chargée des affaires humanitaires pour la mission Recherche et sauvetage de Médecins sans frontières, jointe en Italie. Et aussi celle en mer, par les garde-côtes libyens, par exemple. Alors que c’est totalement évitable. »

Ponctué de menaces

Les dangers dans les centres de détention libyens ou en mer ne font que s’ajouter aux autres menaces rencontrées en chemin.

Avant d’atteindre la Libye ou, de plus en plus, la Tunisie, les migrants et demandeurs d’asile de l’Afrique de l’Ouest ont parcouru une autre route particulièrement périlleuse : la traversée du Sahara et des pays du Sahel – une région marquée par l’instabilité politique, le terrorisme et le banditisme.

PHOTO JEROME DELAY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des migrants tentent de traverser le Sahara.

Il reste cependant difficile de bien mesurer le danger, explique Bram Frouws, directeur de l’organisme de collecte de données Mixed Migration Centre (MMC), chapeauté par le Conseil danois pour les réfugiés.

« Tout dépend de l’attention donnée à une région et de notre capacité à surveiller les routes, rappelle le spécialiste, joint aux Pays-Bas. Il y a beaucoup d’attention sur la traversée de la mer Méditerranée, donc on a tendance à dire que c’est la route migratoire la plus dangereuse au monde, mais nous ne savons simplement pas : il peut y avoir plus de migrants qui meurent sur les routes terrestres à travers le Sahara que dans la Méditerranée. »

Niger

Pour tenter d’enrayer l’immigration clandestine vers son territoire, l’Union européenne a conclu un accord avec le Niger, pays de transition des migrants vers l’Europe – qui fuient le Burkina Faso et le Nigéria, par exemple. En 2015, une loi interdisant le trafic de migrants est entrée en vigueur sur le territoire nigérien, en échange d’un financement.

La junte militaire qui a pris le pouvoir l’été dernier a abrogé cette loi.

« De larges convois ont recommencé à prendre la route, en toute visibilité, note M. Frouws. Beaucoup de gens gagnent leur vie avec le trafic de migrants. »

De nouvelles voies irrégulières se développent au fil des interdictions et des instabilités. En 2023, les îles Canaries, un archipel espagnol au large de l’Afrique de l’Ouest, ont gagné en popularité. Le nombre d’arrivées par cette voie a fait un bond de 157 % en 2023, avec quelque 40 330 personnes répertoriées par l’UNHCR.

Avec Reuters, Agence France-Presse