Alors que la campagne arrive en fin de parcours, l’équipe éditoriale de La Presse poursuit sa série d’analyses sur les grands sujets qui retiennent l’attention des électeurs. Aujourd’hui, Nathalie Collard braque les projecteurs sur l’environnement. Bonne lecture !

Au moment où vous lisez ces lignes, les habitants des Îles-de-la-Madeleine gèrent les dégâts causés par la tempête Fiona, un « monstre barométrique » dont l’intensité est directement liée aux changements climatiques. Nous verrons de plus en plus de ces évènements météo extrêmes au cours des prochaines années.

Pas étonnant que l’environnement soit au sommet des préoccupations des électeurs québécois. La lutte contre les changements climatiques est également en tête des préoccupations des jeunes – de plus en plus écoanxieux – qui étaient nombreux dans les rues des grandes villes de la planète, vendredi dernier.

Pour que l’écoanxiété diminue, il faut sentir que nos gouvernements agissent.

Or la Coalition avenir Québec, au pouvoir depuis quatre ans, n’a pas accordé aux enjeux environnementaux l’importance qui s’impose. Le Québec n’a pas encore de plan d’action contre les changements climatiques doté d’un calendrier et d’objectifs chiffrés pour chaque secteur de l’économie. Un groupe d’entrepreneurs québécois demande d’ailleurs aux élus un plan de match plus clair.

Lisez la lettre ouverte « Lutte contre les changements climatiques : le milieu des affaires veut en savoir plus »

Ce n’est pas une mauvaise idée d’aborder les changements climatiques par la lunette de l’économie, comme le fait la CAQ avec son Plan pour une économie verte. À condition de soumettre l’économie aux objectifs de lutte contre les changements climatiques, et non l’inverse. Or, pour le gouvernement caquiste, l’environnement était perçu comme un obstacle au développement économique. On l’a vu dans le dossier de la Fonderie Horne comme dans celui de l’exploitation minière qui suscite de la grogne dans les régions. Le « Lâchez-moi avec les GES » de Bernard Drainville était éloquent.

Au Québec, le transport est le secteur qui génère la plus grande quantité de GES (plus de 43 %). L’essentiel du plan de la CAQ mise sur l’électrification des moyens de transport, comme si la technologie allait tout régler, nous évitant de revoir certains de nos comportements les plus polluants comme l’utilisation de l’auto.

Pire, le projet phare de la plateforme électorale de la CAQ, le troisième lien, est essentiellement une infrastructure autoroutière. Or la science est formelle : plus on construit de routes, plus les autos se multiplient. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait.

Quant à l’idée lancée par François Legault à la mi-campagne de construire de nouveaux barrages hydroélectriques, elle semblait improvisée. La démonstration d’un réel besoin n’a pas été faite.

Le Parti libéral du Québec, qui a présenté un plan de réduction de GES plus détaillé que la CAQ, avec des objectifs chiffrés, fait preuve du même techno-optimisme que le parti de François Legault en misant principalement sur l’hydrogène vert. Or, les scientifiques répètent que cette technologie exige de trop grandes quantités d’électricité pour les modestes gains environnementaux qu’elle rapporte.

Le Parti québécois et Québec solidaire sont les deux seuls partis à proposer un plan détaillé validé par des experts indépendants, une discipline que tous les partis auraient dû s’imposer.

Est-ce parce que leurs chefs sont issus d’une génération plus conscientisée ? Toujours est-il qu’ils n’hésitent pas à proposer des idées impopulaires comme la taxe de 15 % sur les véhicules énergivores. Ou comme la proposition du PQ d’interdire la vente de véhicules à essence neufs dès 2030, et l’obligation, pour les concessionnaires, de vendre 50 % de voitures électriques d’ici 2025.

On ripostera qu’il manque de véhicules électriques, mais la démonstration a été faite : plus un pays en achète, plus les constructeurs l’alimentent.

Lisez l’éditorial « Si j’avais un char… électrique »

Le PQ et QS sont les deux seuls partis à miser massivement sur le développement du transport collectif : QS inclut les régions, qu’il souhaite relier par bus ou par train. La viabilité d’un tel projet devra être démontrée. Le PQ propose une passe-climat au coût de 365 $ par année pour un accès illimité au transport collectif.

Il n’y a que le Parti conservateur du Québec qui se disqualifie en étant le seul parti à ne pas avoir réfléchi de façon sérieuse à la lutte contre les changements climatiques. Le parti d’Éric Duhaime propose de financer la transition énergétique par l’exploitation du gaz naturel, sans chiffrer les gains pour le Québec. Quant à ses propositions de hausser la vitesse maximale sur les routes à 120 km/h – une drôle d’idée quand on sait que plus on roule vite, plus on pollue – et l’ajout d’une voie dans chaque direction sur les autoroutes 20 et 40, ce n’est pas sérieux.

L’angle mort en environnement depuis le début de la campagne demeure l’adaptation. Sans les maires de principales villes du Québec qui ont proposé un Pacte vert avec Québec, le mot n’aurait peut-être pas été prononcé.

Non, ce n’est pas sexy de débattre du remplacement de l’asphalte par un terreau pour absorber l’eau des pluies torrentielles. Tout comme on ne gagne pas de votes quand on parle de mettre à niveau nos usines de filtration. Or ces gestes, il faut les poser en prévention, et non en catastrophe. Parlez-en à ceux et celles qui épongent le plancher de leur sous-sol depuis les fortes pluies du 13 septembre dernier.

L’adaptation, c’est aussi prévoir des mesures pour protéger les plus vulnérables – aînés, familles à faibles revenus, personnes en situation d’itinérance – qui sont les premiers à subir les conséquences des vagues de chaleur et des intempéries.

Les années qui viennent ne seront pas faciles. Nous avons besoin de politiciens qui auront le courage de prendre des décisions en fonction de la lutte contre les changements climatiques. Des décisions impopulaires à court terme, mais bénéfiques à long terme.