L’attaque du ministre Éric Caire à l’endroit du maire de Québec, Bruno Marchand, à propos de l’aménagement du projet de tramway de Québec, en dit long sur ce que pense vraiment la CAQ des projets de transport collectif.

Dans une sortie particulièrement cassante, mercredi dernier, le ministre de la Cybersécurité et du Numérique a accusé le maire de vouloir « polluer la vie des automobilistes ». Avouons que c’est assez ironique ! M. Caire s’est excusé dans les heures qui ont suivi, mais le mal était fait.

Ce cri du cœur d’un ministre de la CAQ est révélateur : plus que jamais, son gouvernement se positionne comme le parti des automobilistes et des infrastructures routières, loin devant les transports collectifs et les mesures d’aménagement qui favorisent le transport actif. C’est d’autant plus vrai depuis l’arrivée dans le paysage politique du Parti conservateur d’Éric Duhaime, sur lequel la CAQ s’aligne, surtout dans la région de Québec.

Que le projet de tramway de Québec ait besoin d’améliorations est bien possible, le problème n’est pas là. Le problème est dans cette désagréable impression que lorsqu’il est question de projets de transport collectif, et plus largement de lutte contre les changements climatiques, on est à rebrousse-poil avec ce gouvernement qui fait encore de l’auto sa priorité. Pensons à l’élargissement du pont de l’Île-aux-Tourtes, un projet tout droit sorti des années 1960. Ou du fameux troisième lien, qui favorisera encore l’utilisation de l’auto.

Cela dit, on ne basera pas notre appréciation des positions de la CAQ en matière d’environnement sur les débordements du ministre Caire. C’est le dernier budget – et son absence de mesures musclées pour diminuer les GES – qui montre bien que l’environnement n’est pas une priorité au sein de la CAQ.

Au total, seulement 2 % du budget Girard est alloué à des mesures environnementales. Grâce aux recettes anticipées du marché du carbone, le gouvernement ajoute 1 milliard de dollars à son plan environnemental 2022-2027, pour un total de 7,6 milliards. Mais pour chaque dollar investi dans les infrastructures, seulement le tiers, environ, est consacré au transport collectif. Le reste va à l’entretien et à la réfection des routes.

Le ministre de l’Environnement doit présenter la mise à jour de son plan pour une économie verte dans les prochains jours, mais force est de constater que ce budget ne traduit absolument pas l’urgence de la lutte contre les changements climatiques.

On n’y trouve aucune mesure forte qui nous permettrait de réduire significativement nos GES et d’atteindre notre cible, soit une réduction de 37,5 % par rapport au niveau de 1990. Pour l’instant, la CAQ refuse de prendre des décisions difficiles.

Où sont les mesures pour encourager les gens à délaisser l’auto ou, du moins, à l’utiliser moins souvent alors que le prix de l’essence atteint des sommets ? Le budget prévoit une diminution des subventions à l’achat de véhicules électriques, mais n’a prévu aucune taxe supplémentaire qui découragerait l’achat de véhicules plus gourmands, de plus en plus nombreux sur nos routes. Faut-il le rappeler ? Pour la seule région de Montréal, la congestion routière a coûté plus de 4 milliards de dollars en 2018, selon la Communauté métropolitaine de Montréal.

Dans un calcul pour le moins étonnant, la CAQ voudrait nous faire croire, sans rire, qu’une partie des dépenses pour le réseau routier, soit 471 millions de dollars, représentent en fait des investissements en transport collectif puisqu’ils incluent l’aménagement de voies réservées pour les bus, le covoiturage et les autos électriques…

Déception supplémentaire sur le plan de l’écofiscalité, où il y a pourtant place à la créativité pour encourager les comportements plus écologiques. Non seulement n’a-t-on pas recours à de nouvelles taxes, mais on n’indexe même pas les taxes existantes, comme la redevance sur les pneus neufs, par exemple, fixée à 3 $ depuis… 1999.

La lutte contre l’inflation, une priorité pour le gouvernement Legault, n’exclut pourtant pas de lutter contre le réchauffement climatique. Un exemple : la tarification sociale dans les transports publics. C’est ce que fait la ville de Calgary – qui n’est quand même pas l’endroit le plus à gauche et écolo au pays – en offrant un titre mensuel réduit de 53 % pour les familles à faible revenu. Or ce genre de mesure est payante à plusieurs niveaux puisqu’en plus d’encourager un geste écologique, elle a un effet direct sur l’employabilité.

Mais à Québec, c’est comme si on s’obstinait à penser en silo. On semble incapable d’avoir une vision large, d’établir des liens de cause à effet entre, d’une part, la lutte contre les GES, l’aménagement du territoire, l’investissement dans les transports collectifs et, d’autre part, l’accès à l’emploi, la circulation des biens et les dépenses en santé. C’est comme si on se refusait à faire le calcul que des investissements dans les transports actifs, par exemple, avec leurs effets bénéfiques sur la santé de la population, se traduiront à l’autre bout par une réduction des visites à l’hôpital.

Cette absence de vision large et à long terme risque de nous coûter cher. Le dernier rapport du GIEC est pourtant sans équivoque : la planète est malade. On peut chipoter sur le temps qu’il nous reste avant que l’eau nous monte aux genoux, mais si on continue à ce rythme-là, il vaudrait peut-être mieux mettre les 500 $ du gouvernement Legault de côté pour un jour acheter des chaudières !