Un Noël blanc, c’est toujours plus charmant. Mais cette année, permettez-nous de vous offrir nos meilleurs vœux teintés de vert. Vert comme l’environnement que l’on a continué de malmener en 2021, malgré toutes nos bonnes intentions.

Le paradoxe est total.

Collectivement, les Québécois se préoccupent comme jamais du réchauffement climatique dont les conséquences sont de plus en plus destructrices. En Colombie-Britannique, le mercure a grimpé jusqu’à 50 °C l’été dernier près de la ville de Lytton qui a été rasée par les incendies de forêt. Chez nous, on assiste à une érosion aux stéroïdes aux Îles-de-la-Madeleine où les dunes sont avalées par les vagues, faute de glace pour les protéger durant l’hiver.

Malgré les signaux tragiques qui s’accumulent, individuellement, nous continuons de rouler dans le mauvais sens. La preuve se trouve dans l’Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre (GES), dont la diffusion est passée sous le radar, à la mi-décembre.

Consultez l’Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre

On y constate que nos émissions de GES, loin de diminuer comme on en rêve, ont plutôt augmenté de 1,5 % en 2019 (les résultats sont toujours en retard de deux ans, ce qui est fort dommage). La remontée des émissions à laquelle on assiste depuis 2015 est en train d’effacer nos très maigres succès des dernières décennies.

En fait, le Québec a réduit d’à peine 2,7 % ses émissions depuis 1990. Le grand coupable ? Le transport ! Et plus particulièrement le transport routier qui a vu ses émissions grimper de 60 %, ce qui a annulé l’amélioration réalisée par les industries et le secteur résidentiel.

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Ne nous mettons pas la tête dans le sable. Il s’agit d’un échec lamentable.

La jeune militante Greta Thunberg, désillusionnée par le sommet de la COP26 cette année, a eu raison de dénoncer le « blablabla » des dirigeants depuis trois décennies.

Et ça continue.

Au rythme actuel, l’objectif de la Coalition avenir Québec de réduire de 37,5 % les émissions de GES d’ici 2030, par rapport à 1990, semble illusoire. De l’aveu même du gouvernement, les mesures annoncées jusqu’ici ne permettront même pas d’atteindre la moitié de cette cible. Et on n’a pas parlé du troisième lien…

Mais d’un point de vue politique, il est plus payant de lancer des cibles en l’air que de mettre en place des mesures concrètes pour les atteindre. On en a eu la preuve lors des derniers congrès politiques, qui ont donné lieu à une surenchère.

Réduction de 45 % pour le Parti libéral du Québec et le Parti québécois.

Réduction de 55 % pour Québec solidaire.

Qui dit mieux ?

Or, les différents partis ne sont pas aussi pressés de dévoiler les moyens qu’ils emploieront pour arriver à leurs fins.

La proposition du député péquiste Sylvain Gaudreault d’instaurer une redevance sur les grosses cylindrées qui permettrait de financer une remise sur les véhicules électriques est restée sur la glace.

De leur côté, les libéraux ont voté contre l’idée d’une taxe sur l’achat de gros véhicules polluants, comme les véhicules utilitaires sport (VUS) et les camionnettes.

Il faut dire que ce genre de taxe est toujours impopulaire, particulièrement en région où les transports en commun sont inexistants et les distances à parcourir plus longues. Il faudrait évidemment en tenir compte dans une éventuelle réglementation.

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Chose certaine, on ne pourra pas rester éternellement les bras croisés devant la hausse spectaculaire du nombre de camions légers (VUS, minifourgonnettes, camionnettes) sur nos routes. Il a explosé de 70 % depuis 10 ans et de 169 % depuis 20 ans.

Aujourd’hui, ces véhicules représentent presque la moitié de notre parc automobile. Non seulement ils émettent 31 % plus de GES, mais ils coûtent aussi jusqu’à 40 % de plus que les automobiles ordinaires. Cela alourdit les dettes des ménages qui roulent au-dessus de leurs moyens en étalant leurs paiements sur des périodes atteignant jusqu’à neuf ans.

Pourquoi cette pollution ? Pourquoi ces dettes ? Ce n’est pas vrai que tous les conducteurs de VUS et de camionnettes sillonnent des déserts ou traversent des rivières à gué, comme on le voit dans les publicités.

Ce serait bien un minimum que d’exiger des constructeurs automobiles qu’ils indiquent clairement la consommation de carburant et les émissions de CO2 dans leurs publicités, comme au Royaume-Uni.

Et plus tôt que tard, il faudra se décider à mettre la pédale au fond sur l’écofiscalité, qui reste sous-utilisée au Québec où elle pèse 1,6 % du PIB, contre 2,1 % dans les pays de l’OCDE.

Si les politiciens sont réticents à instaurer de nouvelles mesures, ils peuvent commencer par indexer celles qui sont déjà en place. Par exemple, la taxe sur l’essence n’a pas été revue depuis 2014 au Québec et 1995 au fédéral. Et la contribution des automobilistes aux transports en commun est fixée à 30 $ depuis… 1992.

Consultez l’Inventaire des mesures écofiscales au Québec

Voilà la route à suivre si on veut avoir des Noëls blancs encore longtemps.