La COP26 s’ouvre ce dimanche à Glasgow. Comme le reste de la planète, le Québec profitera de l’occasion pour réfléchir à ses émissions de gaz à effet de serre.

Or, une dangereuse illusion berce actuellement la province. Celle qu’il suffit d’attendre l’arrivée massive des voitures électriques sur nos routes pour régler notre (gigantesque) problème de pollution liée aux transports.

Divulgâcheur : ça ne fonctionnera pas. En fait, sans des actions décisives très rapides, on se dirige droit dans le mur avec ce secteur. Et comme les transports représentent près de la moitié de nos émissions (45 % pour être exact), c’est l’atteinte de l’ensemble de notre cible pour 2030 qui est compromise.

Le constat contraste avec les beaux discours qu’on entend ces jours-ci. Mais c’est la triste réalité.

Le Québec s’est engagé à réduire ses émissions de 37,5 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Des secteurs comme la gestion des déchets (-42 % depuis 1990), l’industrie (-24 %) et les bâtiments (-27 %) ont déjà fait des gains appréciables. C’est à souligner.

Malheureusement, ces efforts sont complètement gâchés par le secteur des transports, qui a vu ses émissions exploser de 33 % pendant la même période. Le résultat, c’est que le Québec ne parvient plus à diminuer ses émissions totales.

Ce n’est pas terriblement surprenant. Tenter d’atteindre une cible de réduction avec les émissions du plus gros secteur qui grimpent, c’est comme entamer un régime en augmentant sans cesse ses portions au souper. Bonne chance pour atteindre vos objectifs.

L’électrification des transports ? C’est évidemment une pièce importante du casse-tête. François Legault ne cesse de rappeler qu’avec des entreprises comme Nova Bus et Lion Électrique, le Québec développe une belle expertise dans l’électrification des véhicules lourds. C’est vrai, et il faut s’en réjouir.

On sait aussi que le gouvernement du Québec profitera de la COP26 pour faire une annonce liée à l’électrification des transports. On a hâte d’en connaître la teneur.

Mais il faut réaliser que la moitié des émissions du secteur des transports proviennent des véhicules individuels. Et on n’a encore rien vu de convaincant pour freiner la fulgurante course des consommateurs vers des véhicules sans cesse plus gros et plus nombreux.

Il existe bien des incitatifs à l’achat de voitures électriques.

Sauf que pour chaque véhicule électrique qui arrive sur les routes du Québec, 11 VUS ou camions légers sortent en même temps de chez les concessionnaires. Les efforts des uns sont complètement noyés par les choix des autres.

En l’absence de mesures contraignantes sur les véhicules les plus polluants, cette aide à l’achat de véhicules électriques (qui totalisera tout de même 1,1 milliard en 2026) est un coup d’épée dans l’eau. C’est ce qui arrive quand on donne des bonbons sans sortir le bâton.

Oui, la situation se renversera en 2035 avec l’interdiction de la vente de nouveaux véhicules à essence. Mais ce sera trop tard pour notre cible de 2030. En attendant, chaque nouveau véhicule à essence polluera pendant des années, nous éloignant de notre cible et contribuant au dérèglement du climat.

Les vraies remises en question

Attendre l’arrivée des voitures électriques en guise de plan de réduction pour les transports ne fait pas que nous mener trop tard. C’est aussi une façon bien commode d’éviter les véritables remises en question.

La Presse a révélé récemment que malgré le télétravail encore bien présent, les bouchons de circulation sont de retour comme jamais dans la région métropolitaine. Les véhicules pris sur les ponts auront beau être électriques dans 25 ans, cela ne changera rien au temps et à la productivité perdus.

Même chose pour l’aménagement du territoire.

S’il y a tant de voitures sur les routes, c’est notamment parce que l’on continue à développer des quartiers résidentiels où la seule façon d’acheter une pinte de lait est de conduire vers l’épicerie.

Ces quartiers sont de surcroît situés de plus en plus loin des grands centres, avec toutes les conséquences que cela entraîne – pertes de terres agricoles et d’espaces verts, réduction de la biodiversité, exacerbation des risques d’inondation et d’îlots de chaleur, nécessité de construire de nouvelles infrastructures. L’auto électrique n’apporte aucune réponse à ces problèmes.

C’est sans compter que la construction des véhicules dits « zéro émission » génère aussi des impacts environnementaux, notamment pour l’extraction des minéraux qui entrent dans la fabrication des batteries.

La bonne nouvelle ? Les solutions sont connues. Développer les transports en commun, favoriser l’autopartage et densifier les milieux de vie feraient diminuer le nombre de voitures sur les routes.

Taxer les véhicules les plus polluants (et peut-être même interdire leur publicité) aiderait à s’assurer que ceux qui restent polluent le moins possible. On pourra ensuite favoriser le virage vers les voitures électriques.

Troquer sa voiture à essence contre une voiture électrique donne bonne conscience. Mais il faudra beaucoup plus pour atteindre nos cibles et limiter les dégâts causés par l’urgence climatique.