Plus personne, semble-t-il, ne veut devenir chef du Parti libéral du Québec. Mais la raison n’est pas seulement liée à de piètres perspectives électorales. Parce qu’avant de penser aux prochaines élections, le parti doit répondre à une question : que reste-t-il de l’identité même du PLQ ?

Longtemps, le PLQ a été, dans l’esprit des électeurs, essentiellement le parti du fédéralisme canadien et de l’économie. Il était une valeur refuge pour ceux qui s’opposaient à la souveraineté. Et il était le parti vers lequel gravitaient tout naturellement les milieux d’affaires.

Mais c’était surtout un parti qui avait une histoire glorieuse. Le parti de la Révolution tranquille, de la nationalisation de l’électricité et de la création d’institutions ayant permis au Québec d’affirmer son autonomie.

Il y a un quart de siècle – quand Jean Charest en est devenu le chef –, le parti avait fait l’erreur de publier de pleines pages de publicité disant qu’il fallait tourner le dos à l’héritage de la Révolution tranquille. M. Charest avait promptement été obligé de reculer devant les critiques de ses propres militants.

Mais aujourd’hui, il n’y a plus de menace sécessionniste. Avec les Fitzgibbon, Girard ou Dubé, le parti de l’économie serait plutôt la CAQ. Quant à la Révolution tranquille, de plus en plus, c’est devenu de l’histoire ancienne.

Mais ce dont les électeurs se souviennent encore très bien, ce sont les années au pouvoir de Jean Charest et de Philippe Couillard.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Jean Charest et Philippe Couillard lors du congrès libéral de 2017, marquant le 150e anniversaire du parti

Le premier était encore à l’époque où il suffisait de dire « référendum » pour obtenir un gouvernement majoritaire. Mais il sera surtout associé à une transformation du PLQ en machine à collecter de l’argent. Avec des allégations de corruption contre lesquelles il a dû se débattre pendant des années.

Quant à M. Couillard, on se souvient surtout de l’assainissement des finances publiques au prix d’une politique d’austérité qui aura été extrêmement cruelle pour les réseaux de l’éducation et de la santé.

Après la dernière défaite électorale, un comité présidé par l’ancien sénateur André Pratte et la députée Madwa-Nika Cadet a été formé pour essayer de définir ce que signifie être libéral dans le Québec d’aujourd’hui.

Le problème, c’est que l’aile parlementaire libérale, depuis qu’elle est dans l’opposition, a rarement réussi à défendre les valeurs libérales, comme celles qui sont énoncées dans la Charte des droits et libertés du Québec – adoptée par un gouvernement du PLQ, bien avant l’adoption de la Charte canadienne.

Quand il est devenu chef, Jean Charest avait demandé à Claude Ryan de rédiger un petit livre sur les valeurs libérales. Elles se sont retrouvées dans le texte de la constitution du parti. Mais la réalité, c’est que la défense de ces valeurs a rarement été au cœur des interventions du PLQ ces dernières années.

Que ce soit le recours préventif à la disposition de dérogation (« clause nonobstant ») de la Constitution par les lois 23 et 96 ou l’appui au gouvernement Legault sur l’interdiction de louer une salle à un groupe antiavortement, le PLQ a largement été aux abonnés absents.

Il est vrai que ces décisions étaient populaires dans certains segments de l’électorat. Mais c’est justement à ce moment-là qu’il faut être capable de mettre de côté la politique partisane pour défendre des droits fondamentaux, comme la liberté d’expression.

Ces derniers mois, le PLQ a plutôt donné l’impression d’être un parti paralysé par la peur. Qui craignait de défendre ses valeurs devant ses adversaires et qui voulait à tout prix éviter la controverse. Avec le résultat qu’il est souvent complètement absent des débats publics.

Pendant ce temps, le Parti québécois, qui n’a que trois députés, a réussi à faire parler de lui beaucoup plus souvent que le PLQ, en soulevant des questions qui font partie de son ADN et qui ont eu pour effet de mobiliser et de réveiller des militants qui n’avaient pas souvent été interpellés par les actions de leur parti au cours des dernières années.

Au lieu de cacher la souveraineté, son option fondamentale que beaucoup disaient dépassée, on voit le nouveau chef du PQ la remettre au premier plan et l’utiliser pour relancer son parti.

La défense des libertés fondamentales et de la Charte des droits est une valeur tout aussi honorable, sauf qu’on dirait que le Parti libéral a peur d’en parler, même quand la position du gouvernement est carrément intenable, comme quand il affirmait récemment qu’on verrait si on respecterait la liberté d’expression « au cas par cas ».

Au lieu de préparer un brassage d’idées, le PLQ semble donc se diriger vers un couronnement ou, au mieux, une course à la direction qui ne suscitera pas beaucoup d’intérêt et n’attirera pas les nouveaux membres dont il aurait bien besoin.

Tout cela parce qu’il semble avoir perdu le courage de défendre ses idées et son identité. Triste situation pour ce qui a déjà été un grand parti politique.