Quand on veut perdre du poids, on commence par arrêter le fast food. Et quand on veut rétablir la crédibilité du système de santé, on commence par cesser de faire des promesses qu’on ne peut pas tenir.

Depuis le début de cette campagne, on a vu le Parti libéral et la Coalition avenir Québec faire des promesses qui ne pourront tout simplement pas être tenues.

Dès les premières heures de la campagne, la cheffe libérale, Dominique Anglade, a promis un médecin de famille pour tous les Québécois, exactement la même promesse — non tenue, et aujourd’hui abandonnée – de la CAQ lors de la dernière campagne électorale. La seule nuance étant que M. Legault avait promis que ce serait dans son premier mandat, Mme Anglade parle plutôt d’« au moins un mandat ».

Sauf que, de l’aveu même du PLQ, le nombre de Québécois qui n’ont pas accès à un médecin de famille a presque doublé en quatre ans pour atteindre près de 1 million. Le défi est donc encore plus considérable qu’il ne l’était pour la CAQ il y a quatre ans.

Pour ce faire, le PLQ propose de former plus de médecins, de mieux les répartir sur le territoire et de s’assurer que les médecins passent plus de temps à la clinique plutôt qu’à l’hôpital.

Juste pour former plus de médecins, le défi est colossal. Il faut plus de places dans les universités, donc plus de professeurs, plus de laboratoires et d’autres équipements et plus de stages dans les hôpitaux, où il manque déjà de places.

De toute façon, les études de doctorat en médecine prennent quatre ou cinq ans, auxquels il faut ajouter la résidence qui peut s’échelonner sur deux à six ans. Un investissement aujourd’hui qui ne va « rapporter » que dans plusieurs années.

Voici des choses qu’on ne peut changer juste en augmentant les budgets. Le promettre en sachant qu’on ne peut réussir ne fera qu’augmenter le cynisme de la population et nuire à la crédibilité du système de santé.

La même chose est vraie des engagements de la CAQ en santé. S’étant cassé les dents avec sa promesse d’un médecin de famille pour tous, le parti au pouvoir propose maintenant d’embaucher 27 000 travailleurs de la santé de plus d’ici quatre ans, si on compte les départs à la retraite à pourvoir.

On voudrait former 600 nouveaux médecins. Et on prévoit aussi embaucher à l’étranger quelque 1000 infirmières. Ce qui avait déjà été annoncé en février dernier et, avant cela, à l’automne 2021.

Mais ce qui est proprement affligeant, c’est de voir la méthode retenue par le gouvernement : on va investir 400 millions de dollars, comme si l’argent allait tout régler.

C’est ne pas comprendre la dynamique de la pénurie de main-d’œuvre, qui n’est pas un phénomène passager et qui doit profondément modifier les façons de gérer le personnel, dans les gouvernements comme ailleurs.

Par exemple, on ne peut plus isoler le secteur de la santé en pensant que cela n’aura pas d’effet dans le reste du monde du travail. Aujourd’hui, rien n’est plus facile que de changer d’emploi et de trouver des conditions de travail qui sont bien moins contraignantes que la vie dans un hôpital.

On le voit ailleurs. La simple annonce de travaux prolongés au pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine entre la Rive-Sud et Montréal a déjà provoqué une vague de démissions chez les enseignants de certains centres de services scolaires de Montréal.

Pour améliorer la situation dans le secteur de la santé comme ailleurs, il faut repenser les façons de faire des gouvernements. Il ne suffit plus de lancer quelques centaines de millions et d’engager plus de personnel pour régler les problèmes.

La qualité de vie commence à peser beaucoup plus lourd que les conventions collectives.

Mais ça semble assez difficile à comprendre, au-delà des mots, par ce gouvernement de comptables et de gestionnaires.

Malheureusement, il semble beaucoup plus facile pour le parti au pouvoir de continuer avec les vieilles méthodes et de puiser dans les coffres de l’État plutôt que de s’adapter aux nouvelles réalités du marché du travail, ce qui serait moins onéreux et beaucoup plus efficace.

Le prochain défi dans la fonction publique n’est pas le contrôle des coûts, c’est la rétention du personnel. Quand on sait qu’il y a aujourd’hui plus de 13 000 employés de moins que l’an dernier dans le réseau de la santé, on comprend l’ampleur du défi.

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Sur un tout autre sujet : On parle beaucoup du climat toxique de cette campagne électorale. Pour comprendre comment le discours politique a dérivé aux États-Unis depuis 30 ans, il faut lire The Destructionists de Dana Milbank, un chroniqueur du Washington Post. Il y fait l’histoire du Parti républicain de Newt Gingrich à Donald Trump et montre combien le débat politique profondément toxique est de plus en plus violent. Et il ne faut surtout pas penser que ces méthodes ne sont pas en train de traverser la frontière…