Quelle est la différence entre les Jeux olympiques et des élections générales au Québec ? Il n’y a pas de médaille d’argent aux élections. Quand on finit deuxième, on n’a rien du tout !

C’est le genre de déception à laquelle tous les partis politiques, sauf le parti au pouvoir, bien entendu, peuvent s’attendre au lendemain des élections du 3 octobre prochain.

Nous sommes dans une situation tout à fait inédite. Il y aura cinq partis principaux qui devraient, selon les sondages, obtenir plus de 10 % du vote. Sauf que cela ne leur garantit absolument rien quant au nombre de sièges à l’Assemblée nationale.

En fait, avec les résultats des derniers sondages, on peut penser qu’il y aura une super-majorité pour la Coalition avenir Québec (CAQ). Donc un déséquilibre absolument sans précédent entre le nombre de voix et le nombre de sièges.

Avec un peu plus de 40 % des voix, la CAQ pourrait facilement obtenir 80 % des sièges. L’élastique démocratique se trouverait ainsi étiré au maximum.

Il y a déjà eu des super-majorités du genre. Entre autres en 1973, quand les libéraux de Robert Bourassa se sont retrouvés avec 102 sièges sur 110 (à l’époque). Mais les libéraux avaient, à l’époque, obtenu 55 % du vote. Reste que l’opposition — six sièges au Parti québécois (avec 30 % des voix) et deux aux créditistes (avec 10 % des voix) – était largement sous-représentée.

Le déséquilibre ne sera peut-être pas aussi grand au lendemain du 3 octobre, mais le déficit démocratique serait tout aussi important.

En fait, c’est une sorte de tempête parfaite qui se prépare. La CAQ a une avance considérable sur le deuxième parti dans les sondages, le Parti libéral du Québec, qui ne réussit pas depuis des mois à dépasser le cap des 20 %. La seule chose qui devrait lui garantir l’opposition officielle sera sa force dans les circonscriptions à majorité anglophone de l’ouest de Montréal — encore que des sièges traditionnellement libéraux y sont menacés.

Les autres partis ne sont guère mieux placés. Le Parti québécois (PQ) est en déclin depuis le référendum de 1995 et rien n’indique que cette conjoncture lui permettrait de renverser la vapeur. Sauf pour la forteresse de Pascal Bérubé dans Matane-Matapédia, évidemment.

Les gains de Québec solidaire sont toujours fragiles et plusieurs sièges sont en danger, particulièrement hors de Montréal. On pourrait donc se retrouver avec plusieurs honorables deuxièmes places.

Le nouveau Parti conservateur du Québec (PCQ) est dans une situation légèrement différente. Il est en quatrième place dans les sondages avec 13 %, mais ses votes sont suffisamment concentrés dans la région de Québec pour pouvoir penser faire élire des députés.

Mais si les partisans du nouveau PCQ sont très mobilisés, ses opposants le sont tout autant. Il est donc bien possible qu’au soir des élections, le parti d’Éric Duhaime doive se contenter d’une série de médailles d’argent virtuelles.

Une Assemblée nationale aussi déséquilibrée en faveur du parti au pouvoir devrait donner lieu à une reprise du débat sur le scrutin proportionnel.

Mais tous les partis qui ont été au pouvoir à un moment donné (les libéraux, le PQ et la CAQ) ont promis cette réforme quand ils étaient dans l’opposition et ont choisi de reculer une fois élus.

Toujours pour la même raison : une fois élus et bien installés, les députés d’arrière-ban ne veulent pas entendre parler d’une réforme qui changerait les limites de leurs circonscriptions et qui les ferait cohabiter avec des « députés de liste », qui n’auraient pas eu à se faire élire dans les mêmes circonstances qu’eux. D’autant qu’il y en aurait parmi ceux-là qui pourraient leur « voler » un poste de ministre…

Évidemment, rien n’est prévisible dans une campagne électorale et tout peut arriver, même quand les sondages prédisent une victoire facile. Personne n’avait vu venir la vague orange en 2011. Peu de gens croyaient à une victoire du PQ en 1976. Les campagnes électorales comptent et les surprises sont fréquentes, même dans les mieux préparées.

Cela étant, la CAQ est dans une situation particulièrement favorable. Un facteur en particulier ressort des sondages : sa popularité dans le groupe d’âge le plus susceptible d’aller voter, soit les électeurs de 55 ans et plus. L’appui à la CAQ y atteint 52 % et 70 % d’entre eux disent que leur choix est définitif. Un appui qui ne risque donc pas de s’évaporer ou de s’étioler dans l’indifférence.

Le lendemain des élections peut sembler loin et on ne peut jurer de rien. Mais pour la CAQ, il serait quand même prudent de prévoir dès maintenant comment elle entend gérer cette probable situation de déficit démocratique à l’Assemblée nationale.

Ce qui va nécessairement se traduire par une opposition — beaucoup plus incontrôlable pour un gouvernement – qui va s’exprimer en dehors du parlement et des institutions.