Dans tous les camps de cette course au leadership du Parti conservateur – la troisième en cinq ans, faut-il le rappeler ? –, la question qui se pose actuellement est : qui peut arrêter Pierre Poilievre ? Ou sa variante : Poilievre va-t-il gagner au premier tour de scrutin ?

Depuis quelques semaines, déjà, le député de Carleton attire les foules. Parfois même plus d’un millier de personnes – le genre de foule qu’on voit parfois lors d’élections générales, mais certainement pas dans une course à la direction.

Évidemment, on ne peut juger du succès éventuel d’une campagne uniquement sur la base des foules qu’un candidat peut attirer. Et il est trop tôt pour faire des prédictions, entre autres parce que les débats entre les candidats n’ont pas encore eu lieu.

N’empêche que... Poilievre est considéré dans tous les camps comme en première position et on estime que sa campagne est la mieux rodée.

Un petit exemple : après le discours du candidat, les gens font la queue pour prendre un selfie avec M. Poilievre. On a donc tout le temps de leur parler et de leur faire signer une carte de membre du Parti conservateur.

Et la vente de cartes de membre est le nerf de la guerre dans cette course. Il faudra être membre du parti en date du 3 juin prochain pour pouvoir voter.

Mais si tout le monde est d’accord pour dire que c’est Poilievre qui est en avance, il n’y a pas de consensus sur qui serait deuxième.

Jean Charest devrait l’être, ne serait-ce que par sa notoriété. Il a déjà été chef de ce parti, même si c’était il y a un quart de siècle, et quand il était à Québec, il a continué de cultiver ses contacts.

Mais dans le camp Charest, on met quelques bémols sur le recrutement de nouveaux membres. Ça va assez bien dans les Maritimes, dit-on. Au Québec, des anciens du PLQ sont revenus pour aider M. Charest et il a l’appui du meilleur organisateur du parti au Québec en Alain Rayes. Mais on dit aussi que c’est plus difficile que prévu en Ontario et l’Ouest est manifestement acquis à Pierre Poilievre.

En fait, il est difficile de dire qui est le deuxième de la course avant de voir combien de nouveaux membres auront été recrutés.

Mais beaucoup de gens disent qu’il faut vraiment surveiller l’Ontarien Patrick Brown, actuellement maire de Brampton, un excellent organisateur qui l’a prouvé en se faisant élire chef du Parti conservateur ontarien, après une carrière peu éclatante comme député d’arrière-ban à Ottawa.

Sa spécialité est de recruter des gens des communautés ethniques, et il est particulièrement doué sur ce plan, ce qui fait dire à des observateurs qu’il mène une campagne « comme un sous-marin », dont on ne verra la taille réelle qu’une fois que la mission sera terminée et qu’il émergera de l’eau.

Et il ne faudrait surtout pas oublier Leslyn Lewis, qui avait surpris tout le monde avec près de 25 % des voix lors du congrès qui a élu Erin O’Toole en 2020.

Elle est maintenant députée conservatrice et reste la principale porte-parole du mouvement pro-vie et de la droite religieuse en général au sein du Parti conservateur.

Comme il s’agit d’un scrutin préférentiel, on ne vote qu’une fois, en indiquant son premier choix, son deuxième, et ainsi de suite. On ne peut donc pas assister à ce qu’on voyait dans les congrès d’il n’y a pas si longtemps, soit qu’un candidat se rallie officiellement à un autre et aille le rejoindre.

Mais on peut penser que la plupart de ceux qui auront choisi M. Brown se retrouveront chez M. Charest, alors que ceux qui appuient Mme Lewis (ainsi que d’autres candidats pro-vie) auront M. Poilievre comme deuxième choix. Même s’il se définit aujourd’hui comme pro-choix, il a déjà été opposé à l’avortement.

Il reste un peu plus d’un mois pour faire signer des cartes de membre qui permettront de voter par la poste en août et en septembre. Rien n’est donc joué, mais il semble y avoir un net avantage pour Pierre Poilievre à ce moment-ci.

M. Poilievre est, et de loin, celui qui a la présence la plus fréquente et efficace sur les réseaux sociaux, qui sont de plus en plus le meilleur moyen de rejoindre les membres d’une formation politique. M. Charest ne fait que commencer à utiliser les nouveaux médias et fait surtout campagne comme s’il s’agissait d’élections générales. Ce qui signifie qu’il donne des entrevues aux médias plus qu’il ne fait des appels ciblés aux membres du parti.

À cela, M. Charest réplique qu’il a souvent été battu dans les sondages pour gagner le jour du scrutin. Possible, mais il reste que ce scrutin est bien différent de tous ceux auxquels il a participé avant.