Dans les éloges, pleinement mérités, qui ont suivi l’annonce du retrait de la politique de Véronique Hivon, on a beaucoup souligné une chose qui était devenue sa marque de commerce : elle faisait de la politique autrement.

Il est vrai que durant ses 13 années à l’Assemblée nationale – dont seulement 18 mois au pouvoir –, Mme Hivon a réussi l’exploit de faire adopter une loi, sur un sujet extrêmement sensible comme l’aide médicale à mourir, sans être au gouvernement.

Son legs ne se résume pas seulement à cette loi. C’est encore plus la manière dont elle s’y est prise : un comité parlementaire transpartisan où des députés de toutes les formations politiques ont fait le tour du Québec pour entendre les gens, les informer, les rassurer, leur expliquer ce que serait – et, peut-être encore plus important – ce que ne serait pas cette loi.

Malheureusement, il n’y a pas beaucoup d’autres exemples d’une telle collaboration à l’Assemblée nationale, qui perdra un peu de son lustre avec le départ de Véronique Hivon.

Le Parti québécois (PQ) aussi perd l’un de ses rares députés connus ailleurs que sur la colline parlementaire et dans leur circonscription. Des neuf élus de 2018, il n’en reste que quatre qui semblent encore prêts à se présenter à nouveau devant leurs électeurs.

Rien ne semble fonctionner pour le PQ depuis les dernières élections et le départ de Mme Hivon est un nouveau coup dur qu’il doit assumer alors qu’il se prépare pour une campagne électorale qui s’annonce comme la plus difficile de son histoire.

Mais revenons sur le concept de « faire de la politique autrement » qui restera pour beaucoup l’un des héritages de Véronique Hivon. Parce qu’en cette période préélectorale, ce qu’on voit, c’est essentiellement de la petite politique.

Le chèque de 500 $ envoyé à la grande majorité des citoyens du Québec pour lutter contre l’inflation fait partie de ces tactiques de la vieille politique qui semblent une tentation irrésistible pour un parti au pouvoir.

Le mouvement Desjardins, qu’on ne saurait taxer de partisanerie, a fait une critique sévère de ce choix budgétaire, notant que des mesures plus progressistes sont préférables à un crédit d’impôt généralisé lorsqu’on veut protéger les segments les plus vulnérables de la population.

Mais les Québécois, selon le dernier sondage Léger, aiment leur chèque de 500 $. C’est un peu gros et ça revient à se faire acheter avec son propre argent, mais l’électeur semble aimer ça.

On pourrait dire un peu la même chose sur les billets d’avion à 500 $ pour mieux voyager entre les régions et les grands centres. Ce n’est pas une solution pérenne, ça ne règle pas le problème de fond. Mais en période préélectorale, c’est le genre de mesure qui va plaire.

Par contre, voir à plus long terme que l’échéance électorale, comme dans le dossier de l’environnement, ne semble tout simplement pas une préoccupation réelle pour le gouvernement. Et, dans ce temps-là, il n’est pas question de faire de la politique autrement, on revient bien vite aux anciennes méthodes.

Une controverse touche actuellement les caribous forestiers dont le nombre diminue de façon importante. Devant ce qu’il a qualifié de manque de volonté de Québec de protéger cette espèce menacée, le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a entamé la procédure menant à un décret du gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les espèces en péril.

Le premier ministre François Legault a tout de suite décrété que le fédéral menaçait les compétences du Québec – ce qui n’est pas le cas puisque l’environnement est une compétence partagée en vertu de la Constitution.

Le premier ministre a alors sorti les vieux arguments voulant que la protection d’une espèce menacée, c’est bien, mais à condition que ça ne vienne pas nuire aux emplois dans les forêts.

Puis son ministre des Forêts, Pierre Dufour, a attribué aux Innus le déclin de la population de caribous, au grand dam de son collègue des Affaires autochtones, Ian Lafrenière.

Le dossier est maintenant entre les mains de la ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Sonia LeBel, question que ça devienne une bonne vieille chicane Québec-Ottawa en bonne et due forme.

Évidemment, nous sommes à cinq mois des prochaines élections et il ne faut pas être naïf au point de croire que les considérations partisanes ne pèseront pas lourd d’ici au 3 octobre.

Mais quand on voit un gouvernement qui cherche la chicane au lieu d’essayer de l’éviter, on comprend que le gouvernement de la CAQ va essayer de faire porter le chapeau à n’importe qui plutôt que de tenter de régler des dossiers qui ne lui rapporteraient pas grand-chose sur le plan électoral.

La saison du « faire de la politique autrement » devra encore attendre, semble-t-il.