Mardi, le ministre de la Santé, avec une mine des jours sombres, prévenait qu’en raison des nombreux délestages d’opérations, nos hôpitaux étaient « très proches d’un point de non-retour ». Jeudi, le premier ministre, résolument optimiste, nous annonçait que « grâce à nos efforts, on voit la lumière au bout du tunnel » et commençait à assouplir les mesures sanitaires.

Que s’est-il donc passé en 48 heures ? Le premier ministre dit que les « prévisions des experts » permettaient de croire que le pic des infections de COVID-19 était atteint ou en voie de l’être.

Ça dépend des experts. Dans la journée de jeudi, l’Institut national de santé publique du Québec a publié des prévisions pour le moins mitigées.

« Dans la moitié des simulations, les cas et les nouvelles hospitalisations pourraient avoir déjà atteint leur sommet ou l’atteindre d’ici quelques jours. Pour l’autre moitié des simulations, les cas et les nouvelles hospitalisations pourraient continuer d’augmenter encore quelques jours ou quelques semaines. » Comme prévision, on a déjà vu plus concluant.

Le même jour, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux se disait incapable de faire des prévisions fiables. « Depuis la semaine dernière, l’INESSS n’est plus en mesure de produire de façon fiable le rapport de prédiction sur les risques d’hospitalisation puisque celui-ci s’appuie sur le nombre de cas positifs déclarés. Or, les changements apportés dans les stratégies de dépistage pour tenir compte de l’évolution très rapide des nouveaux cas entraînent une sous-estimation importante du nombre de cas réels. »

Donc, l’un des organismes qui conseillent le gouvernement dit qu’on a la moitié des chances d’avoir atteint le pic. L’autre dit qu’il est impossible de faire des prédictions fiables en raison de la sous-estimation importante du nombre de cas. Quant à la Santé publique fédérale, elle prévoit un pic important d’ici la fin de février.

Et devant cela, que fait le premier ministre ? Il dit voir la lumière au bout du tunnel et, désormais optimiste, il commence à lever des restrictions. Fini, l’impopulaire couvre-feu. La tout aussi impopulaire décision de fermer les épiceries le dimanche aussi. Et, petit coup de volant de l’autre côté, on demandera le passeport vaccinal à la porte des magasins à grande surface.

On notera ici une contradiction. On enlève des restrictions, mais on en ajoute une. Pourquoi ? Les raisons sont éminemment et évidemment politiques. L’idée de taxer les non-vaccinés est populaire, alors on la présente avec d’autres mesures qui seront populaires. C’est comme ça que fonctionne un gouvernement populiste.

Voyons ça dans le détail. D’abord, la « contribution santé » des non-vaccinés. Voici une mesure dont on ne connaît pas les modalités et qui sera inapplicable. Par exemple, comment le gouvernement saurait-il ou pourrait-il vérifier qui est non vacciné ? Les seules données à ce sujet appartiennent à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

Or, la RAMQ est tenue à la confidentialité des dossiers de santé. En pratique, il ne peut y avoir échange de données comme un fichier des vaccinations entre la RAMQ et Revenu Québec. Ce qui démontre qu’on parle ici d’un ballon politique.

Mais c’est populaire et ça risque d’embarrasser les partis de l’opposition qui s’y opposent, ce qui explique que M. Legault dit déjà qu’il y aura un débat à l’Assemblée nationale à la rentrée.

Le couvre-feu n’est pas seulement impopulaire, il est aussi vu par bon nombre de citoyens comme ayant été inutile. En fait, on peut croire qu’il a été imposé à la veille du jour de l’An bien plus pour montrer que le gouvernement faisait quelque chose devant l’explosion du nombre de cas due au variant Omicron. Bref, pour des raisons politiques, et on va l’abandonner... pour des raisons politiques.

Quant aux épiceries fermées le dimanche, c’était une mesure qui était dénoncée tant par les propriétaires d’épicerie que par les consommateurs.

Pourquoi agir maintenant sur ces dossiers ? Parce qu’il y a des sondages qui indiquent une désapprobation plus marquée des mesures sanitaires et, possiblement, un glissement des appuis de la CAQ vers le nouveau Parti conservateur du Québec, le parti qui s’oppose le plus aux mesures sanitaires. Et si des sondages publics disent ça, le gouvernement doit en avoir des encore plus précis qui disent la même chose.

Au cours des prochaines semaines, on surveillera surtout la situation dans les écoles qui ouvriront lundi, comme le veut M. Legault. Et, sur cette question, on ne peut pas parler de politique, c’est une conviction profonde du premier ministre, qui avait aussi insisté pour rouvrir les écoles dès le printemps de 2020.

Mais le risque d’éclosions dans les écoles est réel et pourrait percoler vers les groupes plus vulnérables, disent bien des spécialistes de la santé. Personne ne veut que cela arrive, mais si c’était le cas, l’optimisme de M. Legault pourrait vite se retourner contre lui.