« On entend partout que la démocratie va mal », qu’elle est « en crise », voire « en danger », signale le codirecteur de L’état du Québec, Josselyn Guillarmou, au tout début de l’édition 2024 de ce rendez-vous annuel.

C’est vrai. J’ai moi-même écrit à ce sujet à plusieurs reprises au cours des dernières années. Et tout particulièrement au sujet de l’érosion de la démocratie au pays de Donald Trump.

Mais certains endroits sur la planète s’en tirent mieux que d’autres. Et L’état du Québec 2024 dresse le portrait d’irréductibles Québécois qui résistent plutôt bien à la récession démocratique.

D’abord, les résultats d’un sondage CROP indiquent qu’une majorité de Québécois, soit 68 %, « juge que la démocratie se porte bien au Québec » (bien que le mode de scrutin en irrite certains).

Ensuite, les conclusions de certains des contributeurs à cet essai confirment que ça va mieux ici, et ce, pour plusieurs raisons.

Leïla Copti, présidente de la firme de relations publiques COPTICOM, suggère que « nous formons peut-être déjà l’une des sociétés les plus résilientes en raison de notre tradition bien ancrée dans la concertation et le dialogue social ».

Elle ajoute que le Québec, en Amérique du Nord, est « une société relativement égalitaire qui privilégie toujours la concertation et la solidarité ».

La journaliste du Devoir Clémence Pavic souligne qu’il est crucial d’agir pour atténuer les inégalités, puisqu’elles « font douter les citoyennes et citoyens de la démocratie ».

Elle reconnaît toutefois que notre province est « l’une des sociétés en Amérique du Nord où les inégalités de revenus, après impôts et redistributions de l’État, sont les plus faibles ».

Les problèmes environnementaux ? Nous ne sommes pas épargnés, et des efforts colossaux restent à faire. Mais un chapitre sur le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) prouve la valeur de cet organisme qui a su « gagner la confiance du public et incarner la démocratie participative ».

L’objectif principal du livre n’est toutefois pas de faire l’éloge de l’approche québécoise. Il est de rappeler qu’on peut et qu’on doit faire mieux.

Des appels à la vigilance y sont lancés, des réflexions y sont présentées et des solutions sont explorées (entre autres par la mairesse de Chapais, Isabelle Lessard, qui a récemment démissionné, épuisée).

On retrouve au total dans cet essai une vingtaine de textes sur des sujets variés, allant de l’économie aux transports en passant par les inégalités, l’immigration et les enjeux autochtones.

Parmi d’autres chapitres très stimulants, notons celui du directeur général des élections du Québec, Jean-François Blanchet. Il soutient qu’il est urgent de repenser notre Loi électorale.

Le philosophe Daniel Weinstock, pour sa part, y va de propositions – très à propos – pour élever le débat public et favoriser le dialogue « dans un esprit de respect et d’amitié civique ».

Quant au président de l’Institut québécois de réforme du droit et de la justice, Pierre Noreau, sa contribution éclairante rappelle qu’il serait possible – et souhaitable – de « démocratiser l’accessibilité au service juridique ».

Il manque toutefois à cet ouvrage des remèdes aux ravages faits au Québec par les géants du numérique, qui sont (brièvement) déplorés par certains des auteurs.

Qu’on puisse s’interroger sur les menaces à la santé de notre démocratie sans fouiller davantage ce problème ni mettre de l’avant des solutions montre à quel point la question de notre souveraineté numérique est encore, au Québec, dans l’angle mort.

Extrait

« Si on n’investit pas la démocratie, elle se délite. Si on ne la nourrit pas par la participation citoyenne, elle s’affaiblit, elle s’essouffle. Soyons vigilants, car la participation citoyenne ne dépend pas que des individus dotés d’une noble volonté de contribuer. La participation citoyenne est un muscle, une culture, qui s’entretient, se soutient, s’apprend et se désapprend. Si l’on croit toujours en la démocratie, rappelons-nous l’importance d’un regard citoyen sur notre gouvernance publique et collective, et protégeons les moyens de l’exercer. »

– Malorie Flon, directrice générale de l’Institut du Nouveau Monde

Qu’est-ce que l’Institut du Nouveau Monde ?

L’Institut du Nouveau Monde, fondé en 2004, est un « organisme sans but lucratif et non partisan, dont la mission est d’accroître la participation des citoyennes et citoyens à la vie démocratique, notamment en contribuant au renouvellement des idées et en animant des débats publics au Québec ». La publication annuelle de L’état du Québec répond par conséquent à son mandat. Notons qu’on retrouve, dans la plus récente édition, les propos d’une trentaine de Québécois issus de divers secteurs de la société.

L’état du Québec – Quel avenir pour la démocratie ?

L’état du Québec – Quel avenir pour la démocratie ?

Éditions Somme toute/Le Devoir

224 pages