Nul besoin de renverser notre système économique pour réussir la transition énergétique, affirme le professeur Pierre-Oliver Pineau dans L’équilibre énergétique. Il suffit d’arrêter de « tricher », notamment en subventionnant les entreprises pétrolières. Et de retrouver un équilibre dans notre consommation d’énergie.

Le grand public connaît Pierre-Olivier Pineau pour ses nombreuses interventions dans les médias sur les questions d’énergie. Voilà que le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal prend la plume pour articuler sa vision de la transition énergétique que doit prendre le Québec.

Avant d’entreprendre un tel projet de société, il est essentiel de savoir pourquoi on s’y embarque. Dans le cas de la transition énergétique, la réponse semble évidente : pour limiter les dégâts des changements climatiques.

« Si pour une raison ou pour une autre vous êtes insensible aux arguments climatiques, la transition énergétique n’en est pas moins nécessaire », plaide pourtant Pierre-Olivier Pineau, qui consacre le premier chapitre de son livre à décrire les autres bénéfices de l’abandon des combustibles fossiles.

Il démontre que les hydrocarbures grèvent tant le budget des particuliers que ceux des gouvernements. Que le pétrole est une ressource stratégique qui alimente les conflits dans le monde. Qu’outre le climat, la transition énergétique aura aussi des bénéfices sur la biodiversité et même sur notre santé.

Le chapitre suivant est consacré aux technologies qui pourraient nous aider – ou non – à atteindre la décarbonation.

Oui, les voitures électriques, l’hydrogène vert et la capture et le stockage du carbone ont un rôle à jouer vers une société faible en carbone. Mais Pierre-Oliver Pineau met en garde contre l’idée de se fier à elles sans modifier nos comportements et sans entamer les réformes nécessaires, notamment concernant l’aménagement du territoire.

Il se méfie aussi de « l’effet rebond » des nouvelles technologies. Les gains d’efficacité pourraient nous conduire à consommer plus d’énergie au lieu de l’économiser. Par le passé, les moteurs plus performants n’ont pas amené les consommateurs à consommer moins d’essence, mais bien à se ruer vers de plus gros véhicules.

En fait, le professeur Pineau fonde plus d’espoir sur les « vieilles » technologies que sont le train, le bateau et le vélo. On apprend que ce dernier permet de déplacer un humain sur un kilomètre avec 25 calories – l’équivalent de « deux ou trois arachides enrobées de chocolat », écrit l’auteur. C’est 18 fois plus efficace que la voiture.

La section la plus intéressante du livre est certainement celle où Pierre-Olivier Pineau répond à ceux qui estiment qu’il faut renverser notre système économique pour atteindre nos objectifs de décarbonation.

Il plaide – et c’est convaincant – que le problème n’est pas l’économie de marché, mais les « tricheries » qu’on y introduit. On convient facilement avec lui que subventionner des entreprises pétrolières, ce n’est pas très capitaliste. Pas plus que d’offrir des routes et des stationnements gratuits aux citoyens (Pierre-Oliver Pineau parle même de « socialisation » des coûts du réseau routier).

La question divise les experts, mais l’auteur ne croit pas que la décroissance des émissions doive rimer avec la décroissance de l’économie. Pas plus qu’il n’estime qu’elle entraînera une réduction du niveau de vie des gens – bien que leur « style de vie », lui, sera indéniablement modifié.

On sort de cette lecture avec l’impression que si la transition énergétique nécessite des changements profonds, on a tous les outils entre les mains pour la mener à bien.

L’équilibre énergétique

L’équilibre énergétique

Robert Laffont Québec

192 pages

Extrait

« Des réformes en profondeur, corrigeant les incohérences dans lesquelles nous baignons depuis des décennies (pollution gratuite, subventions aux pollueurs, système routier entièrement pris en charge par l’État), ont l’avantage d’apporter de vrais changements sans bouleverser complètement nos repères. En d’autres mots, à défaut d’avoir un système alternatif précis qui nous permettrait d’assurer la pérennité de notre société, il vaut mieux agir pour redresser les torts connus de notre système. Cela évitera de devoir faire une révolution entraînant un immense chaos, tout en permettant d’agir de manière concrète sur les enjeux environnementaux. »

Qui est Pierre-Olivier Pineau ?

Titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau est un spécialiste des politiques énergétiques, notamment du secteur de l’électricité. Il s’intéresse aux liens entre l’énergie et le développement durable et intervient régulièrement dans les médias pour analyser ces enjeux. Il siège au Comité consultatif sur les changements climatiques du gouvernement du Québec depuis avril 2021.