Enfin, le public peut voir Hochelaga, terre des âmes de François Girard. À l'affiche depuis hier, cette fresque s'étalant sur mille ans raconte l'histoire de Montréal. Après des projections à Montréal, Toronto, Whistler, Los Angeles, Palm Springs et en Pologne, le film trouve le chemin de nos salles obscures.

«Ce fut un projet obsédant, raconte François Girard. Je sors de là complètement vidé. Il y a donc une étape de séparation à vivre. Ce film est maintenant au public.»

Ce projet est, de l'avis du créateur, son plus personnel. À travers cette oeuvre, il a eu envie de raconter les origines des gens de sa communauté, mais aussi les siennes. «Les occupations successives d'un même territoire, tout le monde a ce fantasme, dit-il. L'idée qu'on vit dans le présent et que nous sommes le produit de tout ce qui s'est passé avant nous, c'est universel.»

Même si le film a pour point de départ Hochelaga, le village amérindien à l'origine de Montréal, François Girard croit que cette histoire saura rejoindre un vaste public. «La réaction du public lors des projections qui ont eu lieu aux États-Unis est très intéressante, dit-il. La dépossession amérindienne est plus violente là-bas. Ils sont dans un questionnement qui accuse un retard sur le nôtre.»

Cette oeuvre de François Girard, encensée pour la beauté de ses images, enthousiasme particulièrement ses collègues cinéastes.

«Beaucoup de réalisateurs m'écrivent pour me dire qu'ils ont aimé le film: Jane Campion, Claude Lelouch et Bertrand Tavernier se sont manifestés. Je ne rappelle pas avoir vécu un tel truc.»

Malgré cet accueil chaleureux, le cinéaste accepte de bonne grâce de prendre ses distances face à son film. Et pour cela, il n'a aucun mal. «Je ne revois jamais mes films. J'ai revu Le violon rouge 17 ans plus tard, car il y avait un projet d'adaptation au théâtre. Je n'ai jamais revu Silk [Soie]. Je pense avoir revu une seule fois 32 films brefs sur Glenn Gould. Quand c'est fait, c'est fait. J'ai davantage envie de regarder le travail des autres.»

La «mafia québécoise» au Met

Fidèle à ses habitudes, François Girard quitte un plateau de tournage pour mieux retrouver la scène, en l'occurrence celle du Metropolitan Opera de New York. La mise en scène de Parsifal qu'il a créée en 2012 à Lyon et en 2013 au Met sera reprise dans quelques semaines dans la prestigieuse maison d'opéra.

François Girard est arrivé à New York au début de la semaine afin de commencer le travail. Fait exceptionnel, la présence de Girard est jumelée à celle de Yannick Nézet-Séguin, qui assurera la direction musicale du chef-d'oeuvre de Wagner. Au cours des sept représentations prévues en février, deux Québécois seront donc à la tête de la plus grande maison d'opéra au monde. Du jamais vu!

«Yannick et moi avons énormément de plaisir à travailler ensemble. On rit beaucoup. On est vu comme la "mafia québécoise". L'équipe fait des blagues à ce sujet.»

Le metteur en scène ne tarit pas d'éloges au sujet du chef d'orchestre qui sera officiellement directeur musical du Met à compter de 2020. «Je suis tellement fier de lui. C'est phénoménal. Je ne sais pas si les gens s'en rendent compte, mais il est dans une trajectoire stratosphérique. Il est touché du feu de Dieu.»

La nomination de Yannick Nézet-Séguin ouvrira-t-elle davantage de portes à François Girard au Met? Le principal intéressé évite de répondre à cette question, se contentant de dire qu'il travaille déjà à la mise en scène du Vaisseau fantôme qu'il signera en 2020 dans cette maison.

Le cerveau de François Girard est également pris par la préparation d'un important tournage qui aura lieu l'été prochain. Cette adaptation du roman The Song of Names de Norman Lebrecht raconte l'histoire de deux garçons juifs qui grandissent ensemble à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour des raisons mystérieuses, les deux amis sont brutalement séparés. Des décennies plus tard, l'un des personnages, appelé à juger un concours de musique, croit reconnaître sur scène le précieux ami que la guerre lui a enlevé.

Encore une fois, les séquelles du temps et de la vie restent près de François Girard. Et encore une fois, la musique viendra tout réparer. Difficile de résister à ces thèmes porteurs.

Hochelaga, terre des âmes est à l'affiche partout au Québec.

Parsifal est présenté au Metropolitan Opera de New York les 5, 10, 13, 17, 20, 23 et 27 février.