Trois ans après Blue Valentine, Ryan Gosling et le réalisateur Derek Cianfrance refont équipe pour The Place Beyond the Pines et accueillent Eva Mendes dans leur équipe.

Depuis que, étudiant en cinéma, il a vu le tryptique qu'Abel Gance a consacré à Napoléon, Derek Cianfrance désirait réaliser une oeuvre en trois temps. «Mais je ne savais pas quelle histoire raconter», indiquait-il lors de rencontres de presse tenues au dernier Festival de Toronto. Depuis qu'il a dirigé Ryan Gosling, Derek Cianfrance désirait aussi travailler de nouveau avec sa tête d'affiche de Blue Valentine. Ça tombait bien, le désir était partagé. Mais, là encore, pas d'histoire.

En réalité, il y avait une histoire. Mais elle dormait profondément quelque part dans la tête du réalisateur. «Le fait de devenir père pour une deuxième fois a... enflammé ces choses, ces idées vagues qui étaient en moi. Mon père aussi avait ce feu en lui. Un feu qui peut être aussi créateur que destructeur - et c'est ce que je ressens face à mon métier de réalisateur. Tout est alors devenu clair: j'allais parler d'héritage, de ce que l'on passe aux générations suivantes, de l'impact que les décisions que l'on prend peuvent avoir sur ceux qui viendront après nous.»

Et cette histoire, celle de The Place Beyond the Pines, qu'il a écrite et réalisée, il allait la faire passer de père (s) en fils: un pilote de moto, Luke (Ryan Gosling), se retrouve à voler des banques pour subvenir aux besoins de son ex, Romina (Eva Mendes), et de leur bébé; il fait ainsi face à un policier intègre et ambitieux (Bradley Cooper). Une rencontre aux répercussions dramatiques qui se conclura (peut-être) 15 ans plus tard, lorsque les fils des deux hommes se rencontreront.

Histoire en trois volets que Derek Cianfrance a voulue linéaire. «Dans ma tête, c'était clair: cinématographiquement, ce serait Psycho

Un triptyque contenu dans un seul film, donc. Comme dans le classique de Hitchcock qui suit Marion Crane jusqu'au Motel Bates, puis le détective privé Milton Arbogast, enfin la soeur de Marion, Lila. Trois histoires, l'une après l'autre. «On ne voit plus cela et c'est ce que je voulais faire, même si les gens me disaient que je devais faire des allers et retours entre les histoires, comme dans Babel.» En son sens, il avait des acteurs assez forts pour laisser leur empreinte sur l'oeuvre entière, même s'ils disparaissaient après un acte.

Entrée (et sortie) de Ryan Gosling. Qui, après avoir conduit une Chevrolet Chevelle 1973 dans le percutant Drive, s'installe ici sur une moto et affiche moult tatouages sur les bras, le corps et même le visage. «Derek m'a laissé aller et je me suis fait dessiner tous les tatouages que j'aimerais porter... mais peut-être pas tous en même temps», pouffe l'acteur. Qui, une fois le couteau d'où perle une goutte de sang ancré près de son oeil, s'est dit que c'était peut-être trop. «J'ai voulu le faire effacer, mais Derek m'a dit: «Non. Ce sentiment de 'trop', je suis certain que c'est ce que ressentent souvent ceux qui se font faire des tatouages faciaux... et ils doivent vivre avec. C'est bon pour ton personnage.» « Et si c'était bon pour le personnage, c'était bon pour Ryan Gosling.

Lequel raconte avec quel bonheur il a tourné, en une seule longue prise, les scènes de cambriolage de banque. De vraies caissières et de vrais clients servant de figurants. Impossible d'être plus «dans le moment» que cela. «Sauf que les gens étaient tellement contents de se trouver là qu'à la fin de la première prise, même si on leur avait demandé d'avoir l'air terrifié, ils souriaient! Heureusement, à la fin de journée, après avoir recommencé encore et encore, ils étaient crevés et nous sommes arrivés à des choses intéressantes.»

Après 22 prises, en effet, les sourires étaient moins larges. Sauf sur le visage de Derek Cianfrance et de Ryan Gosling - quand ils racontent l'anecdote.

The Place Beyond the Pines (Au-delà des pins) prend l'affiche le 12 avril.

Eva Mendes : sur la route

«Elle est arrivée pour l'audition sans maquillage, elle tentait d'être "laide"... et, bien sûr, elle était spectaculaire», sourit Derek Cianfrance en se rappelant le passage d'Eva Mendes par sa salle d'audition... où elle n'est même pas entrée. «Je lui ai demandé de me conduire dans les endroits où elle a grandi, à Los Angeles, les endroits où elle a vécu, les écoles qu'elle a fréquentées. Elle s'est ouverte à moi. Et, en cours de route, elle est devenue Romina.»

«Parce que je suis Romina!», s'exclame la somptueuse actrice aux origines américano-cubaines. Du moins, elle l'a été. Comme le personnage, elle a grandi dans un milieu plus que modeste où se rendre sous les feux de la rampe semblait aussi réaliste qu'aller toucher aux étoiles. Et ce rôle, Eva Mendes le voulait. C'était l'occasion pour elle de jouer, vraiment. D'être plus qu'une (belle) image à l'écran. L'expérience de We Own the Night de James Gray, où elle jouait face à Joaquin Phoenix et Mark Wahlberg, revient à l'esprit.

Il y avait ici, pour elle, dans The Place Beyond the Pines, plusieurs défis. Dont celui de vieillir de 15 ans entre le début et la fin du film. «C'est toujours un processus délicat. Surtout que 15 ans, ce n'est pas si long. Il ne fallait donc pas aller trop loin, c'était le risque. Et comme le tournage s'est fait rapidement - nous n'avions pas un gros budget - je n'avais que cinq jours pour parfaire ce revirement. J'ai donc joué, beaucoup, sur mon attitude. Je la voulais fatiguée, usée.» De l'intérieur comme de l'extérieur.

Elle raconte cela, Eva Mendes, et elle rayonne. De l'intérieur comme de l'extérieur.

Photo fournie par Film Séville

Eva Mendes