Envoûtée par la complexité de son personnage dans Borderline, Isabelle Blais a éprouvé une grande crainte à incarner cette jeune fille écorchée par la vie, confrontée aux fantômes de son passé au point de mener un début de vie d’adulte désordonné, sans boussole, entre beuveries et nuits sans lendemain.

«J’ai été étonnée de découvrir un beau personnage, complexe, en lisant les romans de Marie (Sissi Labrèche). En regardant évoluer Kiki à 20 et 30 ans, c’était comme voir deux personnages différents. J’étais fascinée, mais en même temps, je me disais «Oh! Mon Dieu...» Ça m’a fait peur, je dois l’avouer. J’ai beaucoup réfléchi.»

Son personnage, habité par un mal de vivre en raison de ses manques affectifs, entre une mère schizophrène (Sylvie Drapeau) et une grand-mère perturbée (Angèle Coutu), finit par nouer des relations avec deux hommes. D’abord avec son professeur de littérature (Jean-Hugues Anglade), marié et soucieux de ne pas aller plus loin; ensuite, avec un jeune pâtissier, réservé et épris d’elle (Pierre-Luc Brillant).

Mise en confiance

La jeune comédienne — actuellement à l’affiche d’un autre film, La belle empoisonneuse — éprouvait une certaine gêne à jouer nue devant la caméra, dans des ébats intimes. Si on parlait beaucoup de cul dans la télésérie C.A., son personnage de la prude Sarah n’était jamais allé aussi loin.

Six scènes au total — «Ce n’est pas énorme» —, mais qui ont demandé une totale mise en confiance. La réalisatrice Lyne Charlebois, qu’elle avait connue sur le plateau de la télésérie Nos étés, l’a aidée à se sentir à l’aise.

«Ça paraît toujours pire lorsqu’on le lit le scénario, avoue la comédienne, en entrevue au Soleil. Je connaissais Lyne et je savais qu’elle avait du goût. Je lui ai fait comprendre que si elle voulait aller plus loin, ma limite était là. J’ai posé beaucoup de questions. Je voulais être rassurée. Je lui ai fait confiance car je savais que ces scènes étaient nécessaires pour faire avancer l’histoire.

«C’est une intimité qui n’est pas facile à vivre sur un plateau de tournage, ça demande beaucoup d’abandon, ajoute-t-elle. Il y avait de la gêne, autant chez moi que chez mes partenaires. Nous étions tous dans le même bain. On faisait des blagues pour alléger l’ambiance. On a beaucoup ri pour désamorcer la gêne. Finalement, tout s’est fait avec beaucoup de respect.»

Exemple de résilience

La sexualité était difficilement dissociable du personnage de Kiki, d’où l’importance de ces scènes de nudité. «Elle confond l’amour et le sexe. Le sexe, c’est facile, c’est technique, alors qu’elle est incapable d’intimité. Sa relation avec son professeur n’en est pas une d’amour, alors c’est facile pour elle, ce n’est pas compromettant. Le personnage de Michael (Pierre-Luc Brillant) réussit à percer sa carapace. Pour être intime avec quelqu’un, tu dois t’exposer et ça peut faire mal.

«Kiki est quelqu’un qui se cherche, car elle n’a pas beaucoup confiance en elle. Elle manque de repères et d’encadrement. Comme si, à 30 ans, elle apprenait à se construire. C’est par l’écriture qu’elle réussit à se mettre sur la bonne voie. C’est un bel exemple de résilience.»