Ce qui est radical : ses courts métrages Chantal Akerman et Andreï Tarkovski. Ce qui l'est moins : David Lynch et son premier long métrage, Le déserteur. Le réalisateur Simon Lavoie voit le monde en cinémascope, certes, mais de façon « radicale».

«Le Déserteur est moins radical qu'une chapelle blanche (son court métrage primé aux jutra en 2006). Dans une chapelle blanche, on est dans l'épure, la durée est dilatée. On est dans la contemplation», estime Simon Lavoie.

Le réalisateur s'est fait connaître avec des courts métrages imposant un rythme lent À des histoires peu bavardes. Une rencontre entre une prostituée et un concierge teintée d'ennui (Corps Étrangers, 2003, avec Isabelle Blais et Martin Dubreuil). La nuit sans sommeil de deux étrangers (Quelques éclats d'aube, 2005, avec Eugénie Beaudry et Pierre Rivard). Enfin, le changement de couleur et de vocation d'une chapelle dans une chapelle blanche (avec Denis Leclerc et Hélène Loiselle).

«Chapelle blanche est le film que j'aime le plus, parce que c'est celui qui me ressemble le plus. Je viens de la région de charlevoix, et moi aussi, pendant un été, on m'a demandé de repeindre une chapelle. Une vieille dame en a été troublée, fâchée, presque. Je trouvais ça réactionnaire. Plus tard, j'ai compris que c'étaient tous ses souvenirs qui disparaissaient», raconte Simon Lavoie.

Le Déserteur s'inspire aussi d'un fait réel, historique, cette fois: la mort du conscrit Georges Guénette. Servi par le trio familial Proulx-cloutier Et par Viviane Audet, ce drame historique et romantique impose encore plans-séquences et rythme lent. Pourtant, entre un budget de 2,9 millions et une promotion soutenue depuis deux semaines, Simon Lavoie atteint son «extrême commercial».

«C'est mon film le plus ouvert. J'avais envie de toucher un public assez vaste. Avec un Sujet comme la désertion, Ça aurait été irresponsable de faire un film opaque, offert à des happy few. Je voulais faire un film élégant, et qui ne soit pas racoleur. Mon projet n'a pas été dénaturé, et je l'assume», explique Simon Lavoie.

Intègre, donc, le réalisateur s'étonne encore de son goût pour un cinéma exigeant. «Je viens d'une famille qui travaille dans la construction, pas forcément proche des arts. À 16 ans, je n'avais vu qu'un film au cinéma. J'ai alors découvert des films pas forcément radicaux, assez standard, comme Egoyan, Lynch. À l'époque, pour moi, Lost Highway représentait «l'expérimentation à son extrême»», s'amuse-t-il.

À l'uqam, la passion de Simon Lavoie se précise. Il rencontre Sylvain Corbeil, qui devient le producteur de ses premiers courts métrages. Depuis sa sortie de l'école, il réalise un film chaque année, et se consacre tout entier à l'écriture de deux nouveaux projets. «Quand tu as du temps, tu écris tellement, dit-il. Quand j'écris, je suis dans un monde idéal, c'est l'heure où tout est possible avant d'être confronté à la réalité.»

Simon Lavoie évoque un projet de film «indépendant et ultra-radical» qu'il promet de tourner en super 16. «Je suis un amant de la technique. J'aime que ça soit soigné. C'est une conception bourgeoise du cinéma, mais c'est important pour moi d'avoir cette qualité, quitte à m'endetter», revendique-t-il. Simon Lavoie confesse n'avoir jamais fait de la vidéo, mais admire ceux qui, comme Denis Côté ou Rafaël Ouellet, tournent à leur rythme, avec ou sans aide financière. «J'admire le fait que ces cars-là ont un projet, prennent une caméra, et le tournent sur-le-champ (...) Des cinéastes qui tournent aux cinq ans et qui chialent parce qu'ils n'ont pas d'argent n'ont aucune excuse. La technologie permet de tourner facilement. Denis et Rafaël ont été des précurseurs là-dedans et ils ont une influence, je ne peux pas le nier.»

Lavoie partage avec Côté, Ouellet ou encore Maxime Giroux un goût pour un cinéma «exigeant», une cinéphilie développée «aux dvd de Zone 2 que l'on s'échange» et aux festivals plutôt qu'à la Cinémathèque. Voit-il un jeune courant émerger dans le cinéma québécois? «Je pense que oui, il y a un courant. Mais est-ce que j'en fais partie? Je doute que mes acolytes apprécient le déserteur. Je crains la réaction des jeunes esthètes.»

Le déserteur
de Simon Lavoie est présentement à l'affiche.