Le best-seller de Bernard Lentéric était trop violent pour une adaptation en prises de vues réelles. Un geek issu du monde du jeu vidéo a eu la tâche d’en faire un film d’animation en relief.

Quand Antoine Charreyron fut choisi pour réaliser l’adaptation cinématographique du roman de Bernard Lentéric La nuit des enfants rois (publié en 1981), le projet était déjà vieux de quelques années. Jugeant l’histoire trop violente pour être mise en images en prises de vues réelles, ce qu’ils souhaitaient faire au départ, les producteurs ont préféré en faire un film d’animation dont le style évoquerait davantage les mangas que les productions Disney.


Ils se sont alors tournés vers un jeune geek, fervent admirateur du roman bien sûr, spécialisé jusque-là dans la création de séquences cinématiques destinées aux jeux vidéo. En 2007, au moment où Charreyron – le jeune geek en question – fut recruté, la technique de la capture des mouvements n’avait pas encore obtenu vraiment ses lettres de noblesse.


« Nous étions pris à l’époque dans des guerres de chapelles, rappelle le cinéaste. Le milieu du cinéma d’animation traditionnel avait du mal à composer avec ce qui était alors une nouvelle technologie. Il est vrai que les premiers essais de cette technique n’étaient pas toujours concluants. Il aura fallu l’arrivée de pointures comme James Cameron et Steven Spielberg pour la faire évoluer et lui donner sa crédibilité. »


Charreyron était de son côté ravi de plonger dans un projet qui le sortait de sa routine. Et d’avoir l’occasion de signer un premier long métrage pour le cinéma. « On me demandait pratiquement de réaliser toujours les mêmes choses dans le domaine du jeu vidéo. Tuer des gens, en somme. Au bout d’un moment, cela devient répétitif. C’est un beau défi de pouvoir soutenir une narration pendant 90 minutes dans un film. »


« Un film catastrophe ! »
L’atmosphère de ce drame hardcore et animé, classé 13 ans et plus par la Régie du cinéma, reste très violente, cela dit. Le récit s’attarde en effet à illustrer le sort réservé à des adolescents prodiges, dotés de pouvoirs cérébraux exceptionnels, dont le destin bascule à la suite d’une sauvage agression.


« Après quatre ans de travail intensif, le film ne ressemble pas du tout à celui que j’avais en tête, admet sans ambages le cinéaste. À vrai dire, c’est un peu un film catastrophe ! Toutes les épreuves possibles sont survenues. Fort heureusement, les investisseurs croyaient à ce projet et ne nous ont jamais lâchés en cours de route. Je leur en suis reconnaissant. Sur le plan de la réalisation, j’estime que le film a quand même sa personnalité. C’est ce qui m’importe avant tout. »


Charreyron est aussi bien conscient du caractère plus spécialisé du marché auquel son film est destiné.

« À vrai dire, La nuit des enfants rois vise principalement le public des geeks, des jeunes mâles adolescents et jeunes adultes, friands du genre. En France, cela représente un bassin d’environ 300 000 personnes. Près de la moitié d’entre eux sont venus voir le film en salle. C’est aussi la raison pour laquelle nous visons aussi le marché international. »


Du côté des chercheurs
Appréciant sa formation acquise dans le monde du jeu vidéo, Antoine Charreyron compte bien poursuivre son exploration dans le long métrage destiné aux salles de cinéma.


« La technologie que j’utilise a été créée il y a une dizaine d’années à peine, explique-t-il. Forcément, il y a des choses qu’on essaie et qui ne fonctionnent pas toujours du premier coup. Mais cette recherche me passionne. La technologie a fait des pas de géant en très peu de temps. Il y a d’un côté ceux qui cherchent, et de l’autre, ceux qui suivent. J’ai toujours eu l’ambition d’être du côté de ceux qui cherchent. The Prodigies a été conçu dans cet esprit-là. Je préfère me planter avec panache avec quelque chose d’original plutôt que de faire ce que font tous les autres ! »


La nuit des enfants rois (The Prodigies) prend l’affiche demain. Les frais de ce voyage ont été payés par Unifrance.