Avec son comparse Olivier Nakache, avec qui il travaille depuis plus de 20 ans, Éric Toledano a vécu un succès d’une ampleur phénoménale grâce à Intouchables.

Intouchables a attiré plus de 19 millions de spectateurs dans les salles en France. Il s’agit du deuxième film français le plus populaire de l’histoire là-bas (derrière Bienvenue chez les Ch’tis). Il occupe aussi le troisième rang au palmarès des plus grands succès du cinéma, toutes origines confondues (Titanic est toujours en tête de liste).

« Il y a le cinéma d’un côté et le phénomène de l’autre, a expliqué le coréalisateur Éric Toledano lors d’une interview à Paris. On peut tenter de rationaliser tant qu’on veut, il reste que la partie “phénomène” de ce succès nous échappe complètement. Aux yeux du public, Intouchables a basculé très vite du côté de ces films qu’il faut absolument avoir vu pour être au parfum. Nous sommes particulièrement fiers que ce phénomène soit survenu avec un sujet comme celui-là. »

Même s’il est seul pour les fins de cette interview, Toledano ne parle pratiquement jamais à la première personne. Avec son comparse Olivier Nakache, la symbiose professionnelle est telle que les rôles ne sont pas du tout définis entre eux.

« Nous parlons d’une seule voix, reconnaît Éric Toledano. La dynamique entre nous est très naturelle. Nous nous connaissons depuis 20 ans. On nous demande souvent quel est notre secret pour travailler en tandem de façon harmonieuse mais nous, on prend plutôt le revers de cette question. Comment diable font ceux qui travaillent tout seuls ? »

Le bon moment

Abordant toujours ses thématiques par l’humour, le tandem Toledano-Nakache en est aujourd’hui à son quatrième long métrage. Je préfère qu’on reste amis, Nos jours heureux, et Tellement proches étaient davantage inspirés de préoccupations personnelles, notamment sur le plan familial. Grâce à Intouchables, ils élargissent leur champ d’action.

« Il fallait attendre le bon moment, précise le réalisateur. Nous venions de terminer Nos jours heureux quand nous sommes tombés par hasard sur une émission de Mireille Dumas consacrée à la vie de Philippe Pozzo di Borgo, atteint de tétraplégie après un accident, et celle de son ami aide-soignant Abdel. On s’est dit tout de suite qu’il y avait un bon film à tirer de leur histoire. Nous ne nous sentions cependant pas encore prêts, pas assez mûrs. Avec les années, nous nous sommes de plus en plus rapprochés d’Omar Sy, qui a joué dans tous nos films. On s’est dit que ce serait bien de faire d’Abdel un Black issu des banlieues. On a tout construit autour de lui. Dès l’étape de l’écriture, nous nous sommes beaucoup inspirés de sa personnalité. Omar est une nature, un acteur instinctif. C’est ce qui nous plaît. »

S’inspirer de la vie de personnages réels comporte évidemment une responsabilité supplémentaire. Même si Philippe Pozzo di Borgo leur a cédé les droits de son histoire à la condition qu’ils en fassent une comédie, Olivier Nakache et Éric Toledano ont néanmoins tenu à ce que les choses soient présentées de façon crédible.

« Nous avons préparé notre film pendant plus de deux ans, souligne Éric Toledano. Philippe était plutôt enthousiaste à l’idée de voir son histoire portée à l‘écran sous la forme d’une comédie, sans apitoiement. Abdel était de son côté plus méfiant. Mais il nous a dit qu’il était heureux du résultat. Philippe fut de son côté invité à prendre la parole lors de la première officielle. Avec son humour habituel, il a dit : J’applaudis des deux mains ! »

Changer le monde

Avec un succès aussi phénoménal vient aussi la notoriété, et les possibilités de récupération politique. Toledano en est bien conscient.

« En fait, Omar est celui dont la vie a le plus dramatiquement changé depuis la sortie d’Intouchables. La notoriété de François était déjà bien établie. Olivier et moi demeurons dans un relatif anonymat. C’est ce que nous préférons. [...] Les seules [invitations] que nous acceptons sont celles que nous recevons de la part d’organisations vouées au mieux-être des handicapés. Si notre soutien peut aider, tant mieux ! C’est dans une circonstance comme celle-là qu’on s’aperçoit à quel point le cinéma peut être un outil puissant. Il peut même contribuer à changer le monde ! »

Un projet de remake américain d’Intouchables est sur les rangs. Il fut d’ailleurs annoncé récemment que Colin Firth était pressenti pour reprendre le rôle créé l’écran par François Cluzet.

« Colin Firth serait un excellent choix à mes yeux, reconnaît Éric Toledano. Je verrais davantage des Anglais dans ce remake. Il me semble qu’une touche européenne serait plus indiquée qu’une approche entièrement hollywoodienne. Nous n’avons pas cédé les droits de remake n’importe comment de toute façon. Nous avons notre mot à dire ! »

À suivre.

Intouchables
prend l’affiche le 13 avril.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.