C’est la fin de l’année scolaire, et trois copines partent en vacances faire la fête. Objectif : danser, boire, et surtout s’envoyer en l’air. Pour l’une d’entre elles, Tara, ce sera sa toute première fois. Et elle a très envie que ça se passe. Sauf que rien ne va se passer comme prévu, justement.

Ça a l’air cliché résumé comme ça, or c’est tout sauf ça. Ou plutôt ça l’est, jusqu’à ce que ça ne le soit plus du tout. C’est que How to Have Sex (Comment faire l’amour, en version française), tout premier long métrage de Molly Manning Walker, jeune réalisatrice britannique, met en scène sur grand écran tous les subtils enjeux du consentement, noir sur blanc, avec toutes les nuances de gris possibles. Pression sociale, pression des pairs, pression personnelle incluse, en passant par toutes les bouteilles de fort, les nuits blanches et tous les douloureux lendemains de veille, la tête dans la cuvette, que vous puissiez imaginer (ou plutôt cauchemarder)… avant que ça ne reprenne de plus belle.

Précision : le scénario est ici largement inspiré de faits vécus ou entendus par la réalisatrice. Ce voyage de fin du secondaire est une sorte de rite de passage bien connu chez les Britanniques. Un mélange trash de bal de fin d’études rencontre le Spring Break, si vous voulez. Ainsi, si le film se passe dans l’île de Malia, station de fête notoire de la Crète, la principale intéressée, interprétée par Mia McKenna-Bruce (The Witcher, Vampire Academy, Persuasion), a quant à elle vécu des vacances initiatiques du genre à Ibiza, autre joyeuse destination balnéaire.

« Oui, confirme-t-elle en riant, en entrevue par visioconférence, plus tôt cette semaine. Et c’est ça : une fois qu’on finit nos examens du secondaire, la tradition veut qu’on parte en vacances avec notre groupe d’amis. Pour la plupart, ce sont les premières vacances sans les parents. Les premières vacances à boire. » Surtout : « Bien souvent, ça va dans tous les extrêmes… » La grosse débauche, sans la moindre modération.

Dans le cas de son personnage, âgé de 16 ans, on s’apprête à assister à une autre « première », si on peut le dire ainsi. « Mon personnage veut perdre sa virginité pendant ces vacances », poursuit la comédienne.

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Mia McKenna-Bruce

Le film explore toutes les pressions subies, de la part de ses amies, de son environnement, et des garçons aussi.

Mia McKenna-Bruce, dans le rôle de Tara

Pensez à des petits commentaires semi-innocents, du type : « tu veux mourir vierge ? » et autres « t’es coincée ou quoi ? », formulés avec légèreté, certes, quoique avec un sale fond de vérité.

« Ça va finir par se passer pour elle, poursuit Mia McKenna-Bruce, mais pas exactement comme elle l’aurait voulu. » On ne vous vend aucune mèche ici, c’est assez explicite dans la bande-annonce : « Elle va finir par se faire agresser, et surtout en gérer les conséquences… »

À noter que le film a reçu une ovation de près de 10 minutes à Cannes, l’an dernier, en plus de remporter le prix de la section Un certain regard. Dans les médias britanniques, les commentaires sont dithyrambiques. « Deux étoiles sont nées », a titré le Guardian (en référence à la réalisatrice Molly Manning Walker et à la comédienne Mia McKenna-Bruce), les qualifiant de « révélation ».

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Enva Lewis et Mia McKenna-Bruce dans How To Have Sex

Beaucoup d’humanité

Dans différents entretiens, la réalisatrice a indiqué que le choix de Mia McKenna-Bruce en jeune vierge peu effarouchée s’est imposé de lui-même, tant elle conjugue joie de vivre et tristesse, notamment dans son langage non verbal. « Et c’était important pour ce personnage, croit la comédienne, parce que Tara veut être la reine de la fête, même si elle porte un grand poids en elle. Et je pense que beaucoup de gens vont comprendre ce sentiment de devoir être à la hauteur des attentes des autres […] et de l’image que les gens se font de nous. »

La fameuse scène fatidique est aussi jouée le plus sobrement possible, sans le moindre sensationnalisme, mais avec toutes les déclinaisons d’émotions ambivalentes imaginables. Ça fesse. Et c’est voulu, dit-elle. « Le meilleur moyen de toucher les gens, c’est de rendre ça le plus humain possible. »

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Mia McKenna-Bruce à la cérémonie des BAFTA en janvier dernier

Parlant d’humanité, c’est précisément ce qu’elle souhaite : que les gens réalisent la portée de leurs gestes et surtout leurs conséquences.

« Et qu’ils parlent quand ils voient que quelque chose ne va pas. » Pour soi, mais aussi pour quelqu’un d’autre.

Si vous trouvez que le titre du film (Comment faire l’amour) semble finalement très mal choisi, sachez que la réalisatrice y tenait, et pour cause : « Elle a toujours eu ce titre en tête, parce que le film raconte justement comment on essaie d’apprendre à démêler la sexualité par soi-même à l’adolescence. » Et Mia McKenna-Bruce, qui a certes 10 ans de plus que sa Tara (26 ans), peut en témoigner. « Il y a assurément un manque d’éducation à la sexualité, et au consentement en particulier. À part l’aspect biologique de la chose, on ne nous apprend rien au secondaire, alors que c’est à ce moment-là que l’on commence généralement à explorer… »

Le film How to Have Sex (Comment faire l’amour, en version française) est présenté en version originale anglaise et en version originale anglaise avec sous-titres français.