Le Festival de films féministes entame son ultime édition

La sixième édition du Festival de films féministes de Montréal (FFFM) est lancée ces jours-ci dans une ambiance mitigée, à la fois tristement funèbre et toujours aussi militante.

« Le FFFM est mort, vive le féminisme ! » C’est plus ou moins en ces termes qu’a été annoncée, dans un communiqué, cette ultime édition, sur fond de post-pandémie, de crise du financement en culture, dans un contexte en prime d’inflation : « Refusant d’offrir des salaires de crève-faim à son équipe […], les travailleuses culturelles du FFFM ont préféré s’hara-kiriser que de contribuer à la culture ambiante du milieu culturel québécois qui sous-paye cruellement ses travailleuses au détriment de leur santé et des organismes avec lesquels elles collaborent. Par respect pour la valeur du travail des femmes et des personnes marginalisées, nous préférons plier bagage que de les exploiter. »

Rencontrée à ses bureaux (lire : chez elle, dans un coin travail aménagé à même sa chambre à coucher), la fondatrice du festival — à ne pas confondre avec les Filministes, autre festival féministe montréalais —, Magenta Baribeau, en remet. « C’est sûr que c’est triste, confie-t-elle, c’est un projet que je porte depuis six ans. L’absence de financement a été le dernier clou dans le cercueil… »

Cela fait depuis 2017 qu’elle travaille ici bénévolement. À l’instar de toutes ses collaboratrices, que ce soit à la programmation, à la logistique ou au conseil d’administration.

C’est une charge énorme de travail bénévole. Je n’y arrive pas. Et mes collaboratrices sont toutes parties les unes après les autres en burn-out, pas juste à cause du festival, mais du monde culturel en général.

Magenta Baribeau, fondatrice du Festival de films féministes de Montréal

Cela fait six ans qu’elle espère aussi des subventions. Objectif : payer adéquatement tout son monde (une dizaine de personnes, en plus de verser une somme à tous les cinéastes participants). Ironiquement, elle a enfin obtenu une petite enveloppe cette année, largement insuffisante pour les besoins de la cause : 8000 $ du Conseil des arts de Montréal. « C’est la moitié de ce que j’avais demandé… »

Dans le contexte actuel d’inflation, Magenta Baribeau se retrouve dans un cul-de-sac. Elle ne peut plus demander de l’aide bénévole. Et hors de question de payer « un salaire de crève-faim », comme elle dit. « Ce n’est pas féministe… »

Il faut dire qu’en plus, cette année, « tout coûte plus cher », poursuit-elle. Si elle arrivait à financer symboliquement ses cinéastes les années précédentes au moyen des ventes de billets ou de t-shirts, ce n’est tout simplement plus possible. « Les salles, la promotion, même les t-shirts et les sacs coûtent trois fois plus cher qu’il y a trois ans. C’est invivable. »

Et tout le monde risque d’en pâtir, croit-elle.

L’offre culturelle alternative est de moins en moins grande. […] Oui, c’est un grand problème. Il ne faudrait pas qu’on arrive avec une culture unique.

Magenta Baribeau, fondatrice du Festival de films féministes de Montréal

Elle ne cache pas que le fait qu’il y ait un second festival féministe ne l’aide pas. « Pour les subventionneurs, c’est un problème. Ils nous mélangent. » Mais le public sait faire la différence, croit-elle, entre les Filministes, davantage grand public, et son festival, plus militant.

D’ailleurs, tous les festivals font face au même gouffre, faut-il rappeler. « Je travaille dans un autre festival — Présence autochtone — et je sais à quel point les salaires sont bas. […] Si les plus gros festivals ne sont pas capables, comment est-ce que nous, on pourrait y arriver ? »

Si elle ne s’attendait certes pas à devoir mettre la clé dans la porte pour des raisons économiques, Magenta Baribeau peut néanmoins tirer sa révérence sur plusieurs belles réussites. D’abord, dès les débuts (exception faite de 2021, année « vraiment difficile » pour la culture en général), ses salles ont toujours été combles. « On a même refusé des gens ! » Elle s’est aussi toujours félicitée de présenter au public montréalais ces « petits bijoux » découverts ailleurs. En plus d’inviter (voire propulser) des cinéastes étrangers. « On a permis à beaucoup de gens de découvrir que le cinéma féministe, ce n’est pas plate ! […] Ce n’est pas lourd. Nous, on s’assure de présenter des films optimistes, porteurs d’espoir. » Et cette ultime édition ne fera pas exception.

Le Festival de films féministes de Montréal a lieu du 7 au 10 septembre avec des projections à la Casa del Popolo, à la Casa d’Italia et au Cinéma Public, en plus de quelques films offerts en ligne.

Consultez le site du festival

Quatre films ou séances à ne pas manquer

Life on Tape, de Melanie Lischker

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Life on Tape, de Melanie Lischker

C’est le « coup de cœur » de Magenta Baribeau. Ce long métrage documentaire allemand (présenté en version originale avec sous-titres en anglais) raconte la quête de la cinéaste Melanie Lischker pour comprendre et déchiffrer sa mère, morte dans sa jeunesse, et « reconnecter » avec elle. Par le truchement d’archives familiales, elle découvre ici l’Allemagne patriarcale des années 1970.

Offert en ligne du 7 au 11 septembre

Consultez la plateforme de visionnement du festival en ligne

« Droits reproducteurs menacés »

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Polka, de Joanna Suchomska, lève le voile sur le vécu de femmes polonaises aux prises avec des politiques strictes en matière de contraception et d’avortement.

« Ça dit ce que ça dit, et c’est extrêmement d’actualité », commente Magenta Baribeau, pour résumer les courts métrages présentés lors de la soirée d’ouverture, mercredi. Des films du Salvador, du Guatemala, de Pologne et même d’ici qui abordent les questions de l’accès à l’avortement, à la contraception ou aux soins de santé en général, chez les jeunes trans notamment.

Mercredi 7 septembre à 19 h

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Incorrigible, de Karin Lee

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Incorrigible, de la Canadienne Karin Lee

Plusieurs courts et moyens métrages de fiction sont aussi à l’honneur, vendredi, sous le thème « Plus vrai·e que nature ». Parmi ceux-ci, Incorrigible, de la Canadienne Karin Lee, raconte l’histoire de Velma Demerson, incarcérée en 1939 pour avoir osé épouser un homme chinois. Soixante ans plus tard, elle a poursuivi le gouvernement canadien pour emprisonnement injustifié.

Vendredi 9 septembre à 18 h 30, en présence de la réalisatrice

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« Sexe, vulves, masturbation et orgasmes »

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Le sexe féminin existe, de Camille de Pietro (Suisse), met en scène des marionnettes de vulves qui parlent.

« Attention, ce n’est pas une séance de films pornos ! », précise le programme. Plutôt un court métrage et trois documentaires de cinéastes qui se sont intéressées particulièrement aux vulves. Une invitation à apprendre et rire en même temps.

Jeudi 8 septembre à 18 h 30

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