Dans un drame sportif tourné au stade Roland-Garros, lieu mythique du tennis français où se déroule annuellement l’un des quatre tournois du Grand Chelem, Ana Girardot incarne une athlète ayant mis sa propre carrière en retrait pour soutenir son conjoint tennisman et s’occuper de sa famille. Mais l’actrice a fait en sorte que le rôle ne soit pas réduit à celui de « la femme de ». Entretien.

Pour son deuxième long métrage, Quentin Reynaud (Paris-Willouby) s’est tourné vers un milieu qu’il connaît bien. Même s’il n’y raconte pas sa propre histoire, le cinéaste a en effet pratiqué dans sa jeunesse le tennis de compétition de haut niveau. Cette expérience lui a permis de poser un regard juste sur un sport où les ressorts psychologiques d’un individu sont aussi importants que ses aptitudes physiques.

Depuis quelques années, Ana Girardot assiste au tournoi de Roland-Garros à titre de spectatrice, mais sa connaissance du milieu restait quand même assez sommaire. Aussi a-t-elle été fascinée par la lecture du scénario de 5set, qui raconte l’histoire d’un joueur naguère prometteur, aujourd’hui âgé de 38 ans, qui refuse de décrocher en tentant un ultime retour. Mettant aussi en vedette Alex Lutz et Kristin Scott Thomas — cette dernière incarne la mère du tennisman, elle-même ancienne joueuse —, le film se concentre sur la dynamique particulière animant un couple dont l’un des partenaires décide unilatéralement de changer le plan de match.

« Ce qui m’a surtout convaincue est la manière dont Quentin m’a proposé cette histoire », a confié l’actrice au cours d’un entretien en visioconférence réalisé dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français d’Unifrance.

Les rapports qu’entretiennent ces deux personnes, qui exercent des métiers similaires, m’ont beaucoup rappelé ceux des acteurs quand ils s’engagent dans un rapport amoureux entre eux. Ces deux êtres partagent la même passion, mais l’un se met un peu de côté pour laisser passer l’autre. Je trouvais ça plus intéressant que de simplement incarner « la femme de », ce qui ne m’intéresse pas du tout.

Ana Girardot

Sur ce plan, Ana Girardot a tenu à ce que cette piste soit davantage explorée, histoire de donner à son personnage, prénommé Ève, un peu plus d’étoffe.

PHOTO FOURNIE PAR TVA FILMS

Le réalisateur Quentin Reynaud, ancien joueur de tennis lui-même, et Alex Lutz sur le plateau de 5e set

« Quentin a accepté que nous retravaillions le personnage ensemble, pour l’amener dans cette direction, souligne-t-elle. Il a tout de suite aimé cette approche et il a réécrit cette partie du scénario en ce sens. Au départ, il s’était beaucoup concentré sur les personnages d’Alex [Lutz] et de Kristin [Scott Thomas] car le rapport à la mère est quelque chose qui l’a beaucoup marqué. Du coup, il avait peut-être laissé Ève plus en retrait, mais il était ravi d’en faire un personnage plus proactif. Dans une relation comme celle qu’ont Thomas et Ève, qui se connaissent depuis toujours, tout est une question d’équilibre. Or cet équilibre est rompu parce que Thomas refuse d’honorer l’entente prévue au départ, à cause de ses frustrations et de son sentiment d’inaccompli. »

Une enfant de la balle

Jeune trentenaire, Ana Girardot est la fille des comédiens Isabel Otero et Hippolyte Girardot. Sa vocation s’inscrit pratiquement dans le cours naturel des choses, même si celle-ci s’est finalement déclarée lors d’un voyage à l’étranger.

« Mes parents étant de grands cinéphiles, j’ai commencé à regarder beaucoup de films dès mon plus jeune âge. J’adorais aussi les accompagner sur des plateaux. Cela dit, le théâtre me faisait peur et les jeunes élèves qui étudiaient l’art dramatique à Paris m’impressionnaient à un point que je me suis éloignée de ce milieu. Puis, à l’âge de 18 ans, je suis allée à New York pour les vacances, et j’ai découvert là-bas le jeu grâce à une prof passionnante.

Le fait que tout ça se soit passé dans une autre langue m’a complètement désinhibée, on dirait. Ce fut pour moi une révélation. C’est bien de trouver sa vocation à un si jeune âge, ça nous donne le temps qu’il faut pour la vivre pleinement !

Ana Girardot

L’amour qu’elle porte au cinéma pousse aussi l’actrice à rechercher des projets mettant de l’avant des propositions originales.

« À titre de cinéphile, je demande toujours au réalisateur quelles sont ses intentions de cinéma, ses références. Sur un plateau, plus j’ai l’impression qu’on va essayer quelque chose, avec un vrai désir de mise en scène, plus ça me plaît. En France, nous produisons un très beau cinéma naturaliste — qui me plaît aussi parce qu’il s’approche de notre littérature et qu’on y parle de sentiments de façon très juste —, mais mes références de cinéma sont plus anglophones. Peut-être plus déjantées, parfois plus dingues. »

Un tournage à Roland-Garros

5e set est l’un des rares films ayant eu l’autorisation des organisateurs du tournoi de Roland-Garros de tourner dans leurs propres lieux. L’équipe a ainsi pu s’installer dans la prestigieuse enceinte pendant quatre semaines.

« Je trouvais fabuleuse l’idée d’aller au travail à Roland-Garros ! dit Ana Girardot. J’ai la chance d’y être invitée chaque année et j’y vais avec grand plaisir parce que ça n’a rien à voir avec ce que l’on voit à la télé. On se trouve très près des joueurs et des joueuses et l’on sent bien le moment où ils craquent. On est aussi témoins du moment où l’aspect psychologique prend le dessus sur l’aspect physique. C’est passionnant à regarder. Cela dit, je ne connaissais rien du milieu et des aspects cruels qu’il peut comporter, notamment pour ceux dont les carrières sont compromises à cause de blessures, ou ceux qui ne parviennent pas à gagner de places au classement. Ce monde est sans pitié. »

5e set prendra l’affiche en salle le 13 août.