Vivant dans la plus grande simplicité au sein d’une terre reculée de Thaïlande, un couple éduque sa fille Sukwan à sa manière. Les deux parents en viennent à caresser le projet de concrétiser Snowyaland, une île fictive née des rêves de cette enfant atypique. Inéluctablement, Sukwan grandit. Snowyaland résistera-t-elle à cette croissance ?

Bien des aspects de ce premier long métrage documentaire signé par Perihan Incegöz et Jonathan Tremblay sont intrigants. La petite Sukwan, en premier lieu, évidemment. Maîtrisant parfaitement l’anglais à l’âge de 8 ans (les coréalisateurs l’avaient initialement engagée comme interprète, avant qu’elle ne devienne le point focal du film), bénéficiant d’une éducation axée sur l’autodidaxie et la débrouillardise au cœur de la cambrousse, la fillette fait montre d’une vivacité d’esprit combinée à une imagination foisonnante. Mais aussi, au fil du film, d’une lucidité désarmante. Ensuite, ses parents, Pitt et Tao, ayant choisi un mode de vie simple et libre, espérant cultiver leur enfant unique et longtemps désirée dans des conditions très décalées vis-à-vis de la scolarité courante. Se dévoilent également leur passé, leur talent (Tao est artiste peintre), leurs aspirations pour Sukwan.

Parmi ces dernières, l’île imaginaire de Snowyaland. La jeune Thaïe peut en dresser tous les détails, de ses habitants fantastiques à leurs règles de vie, en passant par ses bâtiments fabuleux. Et pourquoi ne pas faire sortir de terre ce lieu jailli de rêves enfantins ? La petite famille, puisant dans ses modestes ressources, mais avec un enthousiasme infini, tente ce tour de force un peu fou, misant sur son côté éducatif. Des maquettes, puis de premiers éléments se forment, comme la « Maison-Scorpion ». L’aventure ira-t-elle jusqu’au bout ? Car les années passent, certaines réalités croissent, et la jeune fille devient tranquillement jeune femme.

L’immersion des documentaristes dans l’intimité de cette famille étonnante est une indéniable réussite, les protagonistes démontrant beaucoup de naturel et de spontanéité face à la caméra et au micro, assumant totalement leurs desseins et méthodes éducatives. Ils assurent même quelques segments narratifs où ils livrent leurs vues avec le cœur. Aussi, à l’heure du « tout, tout de suite », on salue la patience de la réalisation, puisque plusieurs années se sont écoulées entre le premier segment du projet filmographique et l’évolution de Sukwan ; d’abord immortalisée à 8 ans, puis dans son adolescence.

Ce regard fort original remet en perspective nos approches pédagogiques, la préservation de notre puissance imaginative, ainsi que, plus largement, nos valeurs et convictions au quotidien. En fin de compte, qu’est-ce qui importe le plus ? Chaque Sukwan en nous aura sa réponse.

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L’île de Sukwan

Documentaire

L’île de Sukwan

Perihan Incegöz et Jonathan Tremblay
Avec Sukwan, Pitt, Tao
1 h 30
VO sous-titrée en français
Sortie le 8 septembre
En salle

8/10