Alors que The Eras Tour de Taylor Swift trônait encore cette semaine en tête du box-office nord-américain, le film d’une autre vedette de la pop, Britney Spears, reprenait l’affiche, en marge de la publication de son autobiographie.

Crossroads, long métrage de fiction scénarisé par Shonda Rhimes (Grey’s Anatomy), n’a pas marqué les esprits ni le septième art lorsqu’il a pris l’affiche en 2002. « Tout comme le scénario et les images de ce film de chanteuse pop tourné à la va-vite, la bande sonore est digne d’une production de sous-sol réalisée avec des appareils Fisher-Price », écrivait ma collègue Isabelle Massé dans sa critique très peu élogieuse du film.

Isabelle, qui est désormais ma patronne, reconnaissait tout de même que Britney Spears interprétait avec justesse ce rôle écrit sur mesure pour elle. Je me suis dit la même chose, récemment, en revoyant Madonna dans Desperately Seeking Susan de Susan Seidelman. Je crois que la Material Girl n’a jamais été plus convaincante au grand écran que dans cette comédie romantique rocambolesque de 1985.

Janet Jackson était tout aussi crédible dans le rôle d’une coiffeuse-poète, dans le deuxième long métrage pourtant décevant de John Singleton, Poetic Justice (1993). Elle y donnait la réplique au mythique rappeur Tupac Shakur, lui-même assez bon acteur, tout comme Ice Cube dans Boyz n the Hood, premier film du regretté cinéaste américain.

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Janet Jackson et Tupac Shakur dans Poetic Justice

Prenant prétexte de la sortie en salle de Crossroads, je me suis remémoré quelques films marquants, réussis et moins réussis, mettant en vedette des chanteurs et chanteuses.

De Frank Sinatra dans The Manchurian Candidate de John Frankenheimer à Harry Styles dans Dunkirk de Christopher Nolan. D’Elvis Presley dans Viva Las Vegas – je l’ai vu récemment : sa chimie avec Ann-Margret ne pouvait être feinte – à Justin Timberlake (l’ex de Britney Spears) dans The Social Network de David Fincher. De Barbra Streisand, oscarisée pour Funny Girl et inoubliable dans The Way We Were de Sydney Pollack, à Lady Gaga dans A Star Is Born de Bradley Cooper. On peut dire que de façon générale, les chanteurs se tirent bien d’affaire comme acteurs.

Plus près de chez nous, Marie-Mai est actuellement à l’affiche de Testament de Denys Arcand. Des artistes de la chanson québécoise ont participé à des films parmi les plus importants de notre cinématographie nationale : Claude Gauthier et Jean Lapointe dans le chef-d’œuvre de Michel Brault, Les ordres, Gauthier et Robert Charlebois dans Entre la mer et l’eau douce du même cinéaste. Willie Lamothe dans La mort d’un bûcheron et La vraie nature de Bernadette de Gilles Carle, Ginette Reno dans Léolo de Jean-Claude Lauzon, Kevin Parent dans Café de Flore de Jean-Marc Vallée ou encore Marjo dans Chien de garde de Sophie Dupuis. Il y a bien d’autres exemples, parmi lesquels Marie-Jo Thério dans Full Blast de Rodrigue Jean.

On a souvent embauché des étoiles de la pop pour mousser, justement, la popularité de longs métrages. Avec généralement plus de succès aux guichets que Mariah Carey dans le catastrophique Glitter ou Céline Dion dans le récent Love Again.

On pense à Beyoncé Knowles dans Dreamgirls ou à Whitney Houston dans le bien sirupeux The Bodyguard (scénarisé par Lawrence Kasdan, qui l’a ensuite désavoué).

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Vincent Gardenia et Cher, dans Moonstruck

Au chapitre des réussites, on peut citer Cher, Oscar de la meilleure actrice pour Moonstruck (1987) du Canadien Norman Jewison, Kris Kristofferson, excellent dans le sous-estimé Alice Doesn’t Live Here Anymore (1974) de Martin Scorsese. Les regrettées Olivia Newton-John dans Grease (1978) et Tina Turner dans Mad Max Beyond Thunderdome (1985) de George Miller. Ou encore Eminem (8 Mile) et Prince (Purple Rain), dans des rôles à forte saveur autobiographique.

Des chanteurs populaires ont joué dans des films destinés à des publics cinéphiles plus nichés. J’ai récemment découvert Mick Jagger en rock star désabusée dans le sulfureux Performance (1970) de Nicolas Roeg. David Bowie incarnait un extraterrestre dans le très éclaté The Man Who Fell to Earth (1976), du même cinéaste britannique. Bowie était inoubliable en prisonnier de guerre dans Merry Christmas, Mr. Lawrence (1983) de Nagisa Ōshima et était de la distribution (ainsi que Chris Isaak) du très tordu Twin Peaks : Fire Walk with Me (1992) de David Lynch.

Marianne Faithfull jouait son propre rôle dans Made in U. S. A. (1966) de Jean-Luc Godard. Selena Gomez ne pouvait davantage casser son image de pop-star proprette que dans Spring Breakers (2012) d’Harmony Korine.

Debbie Harry a fait carrière dans le cinéma indépendant grâce à des rôles dans des films aussi singuliers que Videodrome (1983) de David Cronenberg, Hairspray (1988) de John Waters et My Life Without Me (2003) d’Isabel Coixet.

C’est sans oublier Alana Haim dans le charmant Licorice Pizza (2021) de Paul Thomas Anderson, qui mettait aussi en scène Tom Waits, collaborateur depuis Down by Law (1986) de Jim Jarmusch (tout comme du reste Iggy Pop depuis Dead Man).

Mes performances préférées de chanteurs au cinéma ? Jennifer Lopez était irrésistible au côté de George Clooney dans le suave Out of Sight (1998) de Steven Soderbergh. Mais c’est sans doute Björk qui m’a le plus ému, dans Dancer in the Dark (2000) de Lars von Trier, Palme d’or qui lui a valu le Prix d’interprétation du Festival de Cannes.